OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Hacker, ce fantasme cathodique http://owni.fr/2011/04/15/hacker-ce-fantasme-cathodique-piratage/ http://owni.fr/2011/04/15/hacker-ce-fantasme-cathodique-piratage/#comments Fri, 15 Apr 2011 18:00:49 +0000 Antoine Mairé http://owni.fr/?p=57282 Il aura fallu attendre ce vendredi soir. Une heure et quart de documentaire pour voir combler une attente, celle de voir la pratique du hacking traitée avec nuance. Dans Pirat@ge, diffusé ce soir sur France4, il est retracé trente ans d’avancées technologiques aussi bien que de dérives hors des lois, illustrant la complexité du hacker. Un bouffée d’air frais dans l’inconscient télévisuel collectif. Jusque là, le héros originel, né à la fin du siècle dernier, était davantage ce copieur de CD devenu ensuite créateur de virus. Dans les rédactions, il a été naturel de portraitiser les auteurs de la cyber guerre russo-estonienne de 2007, d’actions de grande envergure comme Wikileaks ou Anonymous, ou d’intrusions aléatoires dans les systèmes de sociétés. Passons à la loupe cinq reportages.

- “Les cyber-criminels”, Envoyé spécial, France 2, mai 2009

- “Les guerriers du web”, Première, septembre 2009 (Canada)

- “Les nouveaux pirates de l’informatique”, Spécial Investigation, Canal+, septembre 2010

- “Assange ou démon ?” et “Internet : l’arme fatale”, Complément d’enquête, France 2, février 2011

Comme les titres le laissent penser, il s’agit surtout de s’intéresser aux hackers qui profitent des failles de systèmes informatiques à des fins pernicieuses. Afin de résumer clairement leurs propos, rassemblons les témoignages, assertions et conclusions, pour répondre à cette question : qu’est-ce qu’un hacker d’après les reportages télé ? Portrait-robot. (attention, pour les besoins de l’enquête, toutes les citations n’ont pas été modifiées)

Il n’a pas de visage

Le hacker est flouté. Il est né avec une peau nébuleuse, la voix distordue, et marche toujours vu de dos. Bien entendu, il s’agit de protéger les témoins, a fortiori quand ils marchent sur le fil tendu de la loi. Le réalisateur de Pirat@ges a préféré éviter ce genre de plan :

“Il a fallu sacrifier des séquences à cause d’un rendu trop allusif. On voulait voir des visages et dire des choses qu’on pouvait montrer sans détourner la caméra. Avec le hacking, on est confronté avec la difficulté de bien mettre en images. Et quand on veut répondre à la question “qui sont ces gens ?, on veut vraiment montrer qui ils sont !”.

Il est adolescent

Interviewés dans Spécial Investigation, Olivier, Sylvain et Damien, ont entre 17 et 22 ans, et aiment porter des sweat-shirt à capuche. Il font partie de “la génération jeux-vidéo”, donc ils sont jeunes, même si la pratique à 30 ans. “Un gamin aurait pu créer” Blaster, virus au centre de l’attention des “Guerriers du Web”, d’ailleurs “la majorité des pirates, ce sont des gamins” nous dit-on.

Il n’est pas adolescent

Carl de “Internet : l’arme fatale” est un “étudiant de moins de trente ans”. Roycetrack de Spécial Investigation a 25 ans.

Il n’est pas particulièrement doué

“Pour Roycetrack, le piratage est un jeu d’enfant” dans Spécial Investigation. Le pirate n’a d’ailleurs jamais étudié l’informatique. Ainsi tire-t-il ses compétences de “forums ouverts à tous”. Seuls Carl et les témoins russes d’Envoyé Spécial sont des “génies du net”. Le niveau “hacker débutant” est confirmé par une scène dans laquelle un concours pour cracker les antivirus est organisé, où “certains participants sont loin d’être des grandes pointures de l’informatique”. De toute façon, d’après des scientifiques interrogés dans Spécial Investigation, la technologie pour pirater des cartes est “à la portée de n’importe quel voyou.”

Il pirate pour s’amuser

Pour Sylvain de Spécial Investigation, “c’est un jeu”. Et la voix-off d’appuyer : “Ce matin, pour s’amuser, ils ont décidé de défier la police”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il fait des choses pas très bien

“Internet : l’arme fatale” s’intéresse à un collégien clermontois condamné pour avoir mené une attaque des Anonymous. Il est décrit comme “un cyber-zorro qui pourrait être sympathique, dont la cause pourrait être noble”. Une assertion qui pourrait ne pas être orientée. En retour plateau, Benoît Duquesne est pugnace face à Henri Guaino, mais lui tend une perche amicale : “les principes des hackers, vous les condamnez n’est-ce pas ?”. C’est pas joli joli ce qu’ils font n’est-ce pas ? Allez, dites-moi oui Henri.

Il est un peu politisé

Roycetrack “se dit activiste, défendant des causes politiques.” Les ados à capuche sont décrits comme “des anars d’un nouveau genre” et tiennent un discours politique (bien que légèrement formaté) : “Le ministère de la culture s’est illustré dans la lutte, enfin Hadopi et tout ça, ils veulent nous éradiquer mais on veut leur montrer qu’on est là”. L’éthique libertaire et démocratique ? Le projet social contre le protectionnisme économique ? Les idées de Carl sont, certes, clairement mises en avant. Mais le danger est plus agréable à illustrer. Où se trouvent le plaisir, même égoïste, et la passion, même destructrice ? Au diable : l’avarice est supérieure semble dire ces reportages, et l’argent, la fin de tous leurs talents.

Il est riche

Tous les pirates présentés disent gagner entre 5 000 et 15 000 euros de leurs magouilles. D’après Première, “ces dernières années, les vilains garnements ne sont plus le problème : tout tourne autour de l’argent”. La raison d’être des pirates ? Voler des codes de carte bleue. L’augmentation de la cyber-criminalité, “certains la comparent au trafic de drogue”. On attend encore les millions de morts dus à des virus informatiques… Le piratage égal au trafic de drogue, vraiment ?

Il a un pas dans l’illégalité

Pour les besoins des reportages, les témoins exécutent des piratages. Avant de se voir retourner dans Complément d’Enquête : “vous savez que vous êtes hors la loi là ?”. Comme si le journaliste s’attendait à se voir répondre “ah bon ? Je ne savais pas, merci d’être passé”. Quand Carl parle de contre-pouvoir, réalisant une veille latente contre les irrégularités de gouvernements, la voix-off résume cela par un “pouvoir de nuisance”. “Pas de pitié pour ces militants du net” continue la voix, manquant de laisser transparaitre un rire machiavélique. Que les actions soient non violentes ? Quelle question, c’est illégal m’enfin ! Étrange discours quand, interrogé, l’auteur du reportage inquiétant, minimise :

Je n’ai pas cherché à tenir un discours anti-hackers, je ne les considère pas comme des personnes particulièrement dangereuses, me rangeant par ailleurs du côté de leur désir de transparence.

Il est armé

Leur arme [aux ados à capuche], une petite antenne très puissante achetée à l’étranger.

Il est dangereux

“On pourrait tuer quelqu’un en un clic” raconte l’un des ados à capuche au moment où il a le pouce posé sur l’icône fatidique “Redémarrer le système du parc informatique d’un hôpital”. Il ne le fera pas, “mais ils ne sont pas toujours aussi conciliants”.

Il fait peur

En 2003, une gigantesque coupure de courant immobilise Toronto. Officiellement, c’est un dérèglement accidentel, mais un virus informatique pourrait en être la cause. Rien n’a été prouvé, “la question reste en suspens” dit la voix off des “Guerriers du web”. Mais cela file les jetons, c’est le principal. A fortiori dès lors que Mary Kirwan, consultant en sécurité, prend la parole :

Quelqu’un réussira [un jour] à accéder aux systèmes et faire des ravages, nous ne serons plus en mesure d’accéder à notre banque en ligne, de passer des coups de fil et d’allumer la lumière. L’économie va s’arrêter.

Changez de mot de passe, changez de banque, changez de visage, rien n’y fera, car on va tous mourir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il est pirate, ou hacker, ou les deux, on ne sait plus

Quand “Cyber-criminels” part sur les traces de l’un d’eux, nommé Corpse, les reporters se rendent en Russie, le pays “où les hackers sont rois”. J’amalgame, tu amalgames, il amalgame. D’autant plus que, hacker ou cyber-criminel, la frontière est mince : “on peut sans trop d’ennui passer de simple bidouilleur technique à cyber-criminel.” Pour nous aider à tracer la frontière, Première résume :

Les chapeaux blancs, ce sont les gentils, ils chassent les virus ou sont vos collègues du service informatique. Les chapeaux noirs, les créateurs de virus ou les filous qui essayent de vous voler votre carte de crédit. Les chapeaux gris, mangent à tous les rateliers, des mercenaires de ce far west.

Il a une conscience

Dans Spécial Investigation, les ados à capuche appellent l’hôpital cracké pour les prévenir de la faille informatique. Voilà un exemple de pirate sensible aux répercussions de leurs actes. On ne sait rien pour autant de l’évolution des technologies que les hackers ont permis. Des dizaines de minutes passées à expliquer comment ils détruisent auraient pu être agrémentées d’exemples d’hackers améliorant les mêmes systèmes. Elles auraient pu. Exemple : une conférence du Chaos Computer Club explique comment créer son propre réseau de téléphone. Est-ce une performance technique ? Une avancée technologique, pouvant pousser à l’amélioration des systèmes ? Ou rendre public leurs avancées pour mettre à mal le crime organisé ? Peu importe, c’est illégal pour Envoyé Spécial.

Il est inconscient

Les ados à capuche “prennent leurs escroqueries à la légère”. Pour Première, “quand on met la main sur les auteurs, on découvre la plupart du temps qu’ils agissaient pour s’amuser, pour épater leurs copains. Bien souvent, ce sont des gosses qui n’ont aucune idée de ce qu’ils font”.

Il fait des choses qu’on ne comprend pas

L’image préférée du réalisateur de “Les Guerriers du web” est faite de lignes de code, de matrices et numéros qui se suivent à grande vitesse. Ils sont trop forts ces hackers, dont “l’univers est un monde louche”. Toutes les captures d’écran ci-dessous proviennent de ce documentaire.

Ces images de science-fiction sont l’image de coupe parfaite pour ce type de reportages. Etienne Rouillon s’en amuse : “on les a évitées autant que possible. On a finalement mis deux images de matrice, on n’a pas pu s’en empêcher. C’est évidemment un raccourci illustratif, symptomatique de la difficulté de rendre à l’image la pratique du hacking.”

Julian Assange est son dieu vivant

Dans Complément d’Enquête, on parle d’Assange (à charge). On parle de militantisme, de talent, de passion, de paranoïa, d’autoritarisme, de malice et d’intelligence. Bref, d’un être complexe et forcément un héros pour les passionnés d’informatique comme Carl qui se réclame du fondateur de Wikileaks.

Il est parano

“Il y a les flics derrière, bougez pas, bougez surtout pas” paniquent Sylvain et Damien après avoir piraté un site gouvernemental. Benoît Duquesne : “Qu’Assange soit parano, est-ce que c’est propre à ces gens qui sont sur Internet ?”. Ces gens qui sont sur Internet… Faut vous dire monsieur, que chez ces gens-là, on ne vit pas monsieur, on triche (avec la loi). La personne interrogée répond que oui, lui, activiste du net tunisien sortant d’une révolution, est inquiet d’être surveillé. Un peu plus tôt dans le reportage, il était évoqué l’enfance trouble d’Assange et de sa mère traquée par une secte, ce qui aurait encouragé ses instincts paranoïaques. Comment ça ? Sa paranoïa ne viendrait pas de sa passion numérique ? Peut-être qu’il ne fait pas partie de ces gens-là.

Certains traits de ce portrait-robot sont contradictoires ? Peut-être est-ce une preuve que le pirate n’est pas toujours celui qu’on aimerait voir. Yvan Martinet, réalisateur de “Internet : l’arme fatale” se défend d’avoir généralisé : “quand je fais le portrait de quelques-uns d’entre eux, je m’intéresse à des cas particuliers, ne disant pas qu’ils sont représentatifs.” Les voix off aux airs de Stentor n’aident cependant pas à se créer une vision nuancée.

Ce qui intéresse les télés est moins les enjeux diplomatiques ou économiques des piratages que de pointer du doigt les auteurs. Il est certes moins porteur de filmer un conflit informatique, des attaques de DDoS et la passion d’experts au discours abscons (ils parlent avec des termes anglais) qu’un petit génie aux cheveux gras manipulant des lignes de code. La recette télégénique est évidente : un nerd, un écran d’ordinateur difficile à comprendre et une voix off anxiogène. Vous avez votre reportage.

Photo FlickR CC AttributionNoncommercialNo Derivative Works purplemattfish

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Le petit DSK illustré http://owni.fr/2011/03/30/le-petit-dsk-illustre/ http://owni.fr/2011/03/30/le-petit-dsk-illustre/#comments Wed, 30 Mar 2011 06:30:50 +0000 Antoine Mairé http://owni.fr/?p=53991 Les hommes politiques ne sont pas que des stakhanovistes en costume deux pièces, ce sont avant tout des hommes. Il y a deux semaines sur Canal+, on nous a raconté la vie de l’un d’entre eux, et pas n’importe lequel : un chef d’Etat sans Etat. Non content de figurer en tête de tous les sondages (63% d’opinions favorables33% d’intentions de vote), Dominique Strauss-Kahn est donc quelqu’un de charmant, marié à une femme idéale. Au bout de ces 50 minutes réalisées par Nicolas Escoulan et intitulées “Un an avec DSK”, il ne fait aucun doute que cet homme de 61 ans, animé par une force politique à la dimension internationale, est celui que toute la France attend. Et quel dommage, avec le recul, que le retentissement médiatique du film ait été couvert par quelque menu tsunami, catastrophe nucléaire et autre Marine Le Pen.

N’ayant pas le droit, en raison de sa position de directeur du FMI, de commenter la vie politique française ni d’annoncer sa candidature à la présidentielle, ni d’ailleurs de divulguer les tractations économiques avec les pays en difficulté, à quoi sert ce documentaire ? Oui cher lecteur, tu as pensé très fort “à rien” et tu as tort. Il nous est offert une profession de foi politique. La vérité nue, qui ne sort pas de la bouche d’une secrétaire, mais de l’extrême concentration avec laquelle DSK et ses comparses affichent leur désir d’accomplir une mission auprès des Français.

Si le film dit peu de son avenir, il n’en pense pas moins et montre un homme en campagne prêt pour la future présidentielle. Cela ne fait aucun doute d’après ses conseillers en communication : “Il correspond au portrait robot du candidat idéal”, et

à partir du moment où la France aura besoin de lui, DSK répondra présent.

Ces 50 minutes sont la boite noire d’un avion prêt à atterrir en 2012. On peut sans peine y déceler l’ADN du programme du futur candidat DSK. Revoyons les images, car il y a comme un goût de primaire dans l’air.

Un argumentaire sans faille

Pour aller au bout d’une campagne présidentielle (et nul doute qu’il y parviendra), il faut compter sur une vigueur martiale au débat. Ce documentaire permet de donner un aperçu de ses talents d’orateur. Et quoi de mieux que de procéder à l’analogie pour destabiliser ses concurrents? D’autant plus si on l’accompagne d’un léger silence satisfait. Le silence après une petite phrase de DSK, c’est encore du DSK. Pizza, école, thermomètre, tout est bon dans la comparaison.

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Un débatteur dur à cuire

Il y a des chances que la scène des tournedos entre au panthéon du documentaire politique. Cet instant à la célébrité déjà éprouvée est le révélateur de l’envie d’en découdre de DSK. Pour en analyser les contours, donnons la plume à un habitué du savant mélange entre politique et entrecôte, le chroniqueur de RTL et Canal+ Jean-Michel Aphatie : “Non mais regardez un peu cette cuisson, c’est quand même incroyable ! Alors je me demandais si par hasard, présentement, et contexeutuellement parlant, monsieur Dominique Strausseukahn ne réduisait pas à néant sa viande au même titre que ses futurs adversaires. Ce quartier de barbaque qui se retourne sur lui-même, n’est-il pas Eric Besson ? Cet assemblage de nerfs mis sous le silence du grill, c’est Nicolas Sarkozy évidemment. Et là regardez un peu, c’est incommensurablement affolant, comme il tient ce tournedos déprimé, plissé, martyrisé, au bout de sa fourchette, embroché tel le premier François Fillon venu.”

Merci Jean-Michel, mais ne nous attardons pas sur cette scène, après tout, “la vie privée, c’est la vie privée, il ne faut pas l’étaler“.

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Du Franc-parler

Ce repas de “monsieur tout le monde” comme le précise amoureusement le commentaire est néanmoins le témoin évident de la proximité de DSK avec les Français. Ce poste au FMI a fait de lui un aigle qui s’élève au dessus du monde à mesure qu’il s’éloigne de la terre.  En laissant entrer les caméras chez lui, DSK sait redevenir l’oisillon auprès de qui les Français aiment batifoler. Ainsi parle-t-il comme le commun des habitants de son Sarcelles chéri:

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Un homme bien entouré

Connait-on vraiment la tâche d’un directeur du FMI ? Nicolas Escoulan nous fait entrer par la plus grande porte du bâtiment : celle du parking. Plongée ensuite dans A la maison blanche version économie mondiale, au centre des plus grandes décisions de ce monde. Tant pis si la caméra s’éloigne au moment des négociations, ou semble s’extasier de se trouver auprès d’une personnalité aussi importante, elle se rattrape en exerçant un regard critique sur la fonction autant que sur les décisions de DSK. Voici donc un montage de ces moments qui savent prendre un peu de recul, pour qu’enfin, au cours de ce film, se dégage une voix contradictoire [NDLR : la vidéo fonctionne bien]:

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Le sens pratique

Il était important de montrer à quel point DSK maitrise les petits trucs de grand-mère ; à quel point lui connait le prix d’une baguette de pain ou d’un ticket de métro, certes, à Washington, mais il sait tout ça. C’est un homme du peuple oui monsieur. Une minute et dix secondes du film sont consacrées à sa technique de repassage d’un costume. Le secret ? Faire couler l’eau chaude pendant une demi-heure. Ah ils rigolent moins les écolos, ces rebelles de pacotille, ces voleurs de voix au premier tour. Au diable avril 2002, déjà oubliées les européennes de 2009, regardez comme ce costume lisse est un pied de nez à leur absence de candidat.

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Une carrure internationale

Au FMI, ses décisions se doivent d’être portées par un grand sens du jugement au moment de gérer les grandes questions de ce monde : “Combien la Zambie peut-elle emprunter ?” (20:57), “On a du nouveau sur la Grèce ?”(7:20), “Je dois reparler du multilibéralisme et blablabla ?” (25:37), “Mais qui a fait ce gateau ?” (11:54). De la même façon, sa clairvoyance lui permet de pointer les défaillances économiques de certains pays, et de l’analyser avec tact. Un vrai sens de la diplomatie qui a, certes, eu des échos peu cordiaux en Grèce

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Un fédérateur de la gauche

Il ne sera pas ce président-omnipotent comme un certain futur prédécesseur. Lui au pouvoir, c’est la gauche (ou au fond à droite de la gauche) qui gouvernera. Voyez avec quel vigueur il joue au football, s’empare du ballon et se dépêche de faire la passe à ses petits camarades sud-africains. A toi le dossier du nucléaire, à moi les sans-papiers, à toi le mal-logement, à moi la libération des otages. Le gouvernement DSK sera France 98 ou ne sera pas. A la fin du film, DSK précise : “être de gauche, c’est de prendre la réalité, essayer de la corriger pour qu’elle soit plus juste. Il faut dépasser le possible, mais ne pas promettre l’impossible”. Etre un président de gauche, ce sera être un numéro 10 mais aussi savoir donner le bâton (libre à toi lecteur de terminer cette phrase).

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Le goût du terrain

Une élection se gagne sur les marchés et dans les salles des fêtes. Tant de combats éloignés du 8ème arrondissement… Ces trois dernières années, DSK a parcouru 60 pays et 44 000 kilomètres. Il est logiquement rompu à l’asphalte d’une course à la présidence. Il a dans ses bagages d’homme de terrain un entrainement intensif mené auprès des troupes d’élite du FMI, cette agence pas comme les autres…

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Merci donc à ce “Un an avec DSK” d’avoir porté ainsi aux nues un homme en proie à une décision majeure. Un travail de longue haleine. Un travail de salut public. Un travail journalistique ? De son côté, l’entourage de Dominique Strauss-Kahn, contacté par OWNI, se défend d’avoir exercé une quelconque influence sur le ton du reportage et a déclaré avoir découvert le film au moment de sa diffusion.

Crédit Photo FlickR CC : International Monetary Fund [cc-by-sa]

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Une semaine sur Atlantico, ou comment j’ai essayé d’être de droite http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/ http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/#comments Tue, 08 Mar 2011 16:06:37 +0000 Antoine Mairé http://owni.fr/?p=50341 J’ai toujours adoré être de gauche. Le plaisir de s’indigner dans l’odeur de merguez relevée d’un peu de bonne conscience. La volupté d’être du bon côté. Il y a une semaine, voilà qu’un site me propose de virer ma cuti. Diantre. Moqué vigoureusement comme un Rue89 de droite, sous prétexte qu’il est notamment financé par Charles Beigbeder (encarté au Parti Radical) et Arnaud Dassier (directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy sur le Web en 2007), et qu’il regroupe une liste de contributeurs plus proches de la croix de Lorraine que de la faucille et du marteau.

Ce lundi 28 février, Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la rédaction, le répète à l’envi et à l’assemblée présente lors de la présentation du site : ce n’est pas un site de droite mais un “facilitateur d’infos”. Beigbeder insiste :

Ce n’est pas un site de droite, mais un site pluriel qui ne s’interdira pas de travailler avec des contributeurs de droite.

Arnaud Dassier précise qu’il a “travaillé en tant que prestataire pour l’UMP et non en tant que militant”. Et au fond, c’est quoi le problème ? Auraient-ils honte de défendre des opinions droitistes ? Comme s’il était mal vu d’être politiquement orienté de l’autre bord des trotsko-fascistes qui garnissent – n’est-ce pas ! – les rangs des rédactions parisiennes. Pour mieux comprendre l’idéal d’Atlantico, je décide de suivre au plus près les publications du site pendant sa première semaine. D’un lundi à l’autre, au coude à coude avec mon désir d’avenir libéral, voici ma tentative de virage à tribord.

Lundi. 11h, le site est lancé, je mets du coeur à l’ouvrage : je veux me droguer de liens, taper dans la poudre de synthèse d’autres articles, sniffer de la ligne éditoriale, me rendre addict d’une information équarrie par les dix journalistes agrégateurs. En quelques minutes, j’ai de quoi me piquer d’avis définitifs à droite toute ! Rouspéter contre les sarcasmes après l’allocution télévisée de Nicolas Sarkozy, hum c’est bon ça. Soutenir Christian Jacob dans sa tentative de destabilisation populiste de Dominique Strauss-Khan, oh oui vas-y ! Admirer la réforme Pécresse, han tu vas trop loin là.

23h, mon dernier shoot a la forme d’une cerise sur la gâteau : une tribune sous forme d’anathème jeté sur cet ami des bien-pensants, Stéphane Hessel. L’auteur m’a ouvert les yeux.

À la manière d’Hugues Serraf, transfuge de Rue89, je souhaite de tout mon coeur de pierre refuser le conformisme rampant des moralisateurs tiers-mondistes. J’ai envie d’être le prochain sur la liste des ces “entrepreneurs [français] qui, avec le développement d’Internet, sont ouverts à l’innovation et davantage prêts à conquérir le monde. J’ai comme une soudaine envie de lip dub.

Leur problème

Mardi. La France doit se lever tôt, 5h48, je prends le métro. Je compte bien afficher ostensiblement mes nouvelles idées. Mais comment s’exposer sans un Figaro pages saumon ? J’ai donc acheté un iPad, couleur rouge Louboutin. Je prends la ligne 6 en sifflotant. “Auteuil-Neuilly-Passy, c’est Atlantico, Auteuil-Neuilly-Passy, tel est notre crédo”. Je croise Jean-Pierre, le sans-abri de la station Trocadéro. Je lui fais un sourire et lui dépose deux euros. C’est important que chacun fasse un geste envers les démunis, surtout si les gens me voient. Et puis c’est toujours ça que l’État ne me prendra pas comme aurait pu dire l’auteur de L’État minimum, Guy Sorman [en]. Au sujet de la polémique Galliano, Sorman analyse :

Zemmour n’aime pas les Arabes et Galliano n’aime pas les Juifs : c’est leur problème.

J’opine du chef en guettant les trois nécessiteux venus chanter Guantanamera avec leur accent de l’Est. Ils me dérangent et c’est mon problème. Demain je prendrai le taxi.

18h, je prends du rab, via la colonne de droite, celle des liens. Tout en haut, trône une réhabilitation de John Galliano. Je commence à aimer ça, être libre de ton.

Mercredi. Je me plie à l’obsession d’Atlantico pour la brièveté. Jean-Sébastien Ferjou assume le supposé diktat d’un Internet zappeur. Deux jours après le lancement, le site est un recueil de nouvelles quand d’autres usent de romans-pavés. Hasta siempre la concision ! Les articles sont tellement courts que parfois même pas finis. Mais pas de mauvaise foi, on appelle ça “une brève”. Et peu importe que les brèves se multiplient comme des emplois fictifs : 47 liens pour Galliano en une semaine. Si facilitateur que ça ?

Le soir, paix des âmes. J’attaque la partie people du site, Atlantico Light, sorte d’info édulcorée par les pépées botoxées. Ferjou ne s’interdit pas de parler de Lady Gaga ? Mieux, la robe “gênante” de la fille de Madonna en 4×3 et les photos nues à venir de Lindsay Lohan. Dès lors, je guette chaque soir, avant d’aller rêver à un monde meilleur (mais pas trop), des révélations sur la sexualité de Nadine Morano.

Un air de Nagawika

Jeudi. Alors que les draps se souviennent de Nadine Morano, je me réveille avec la volonté vaillante de comprendre l’Internet et me connecte au dossier qui lui est consacré. J’y découvre, ébahi, qu’on peut draguer sur la toile ! Afin de me préparer au mieux à mes futures rencontres IRL, je me passionne pour le cosplay parce que, apparemment, c’est l’avenir. L’avenir des années 80, mais un avenir quand même. Cela me donne envie de mettre enfin la main sur cette nouvelle console qui permet de jouer à la guerre grâce à des manettes (la Xbox je crois). C’est en tout cas ce qui semble être la chose à faire d’après Nathalie Joannès qui décrypte la “mouvance geek”, ces “dandys technoïdes” qui achètent (TOUS !) des tablettes à 1000 euros. Je retrouve mon âme d’enfant comme quand on chantait Nagawika en classe de mer organisée par l’aumônerie catholique de Rennes.

Vendredi. Je fais la nique aux trotskistes. Je me sens boosté par les propos d’un investisseur cité anonymement par Stratégies, qui fait partie de l’aventure, et qui déclare vouloir se “distinguer nettement des autres médias dominant le Web, dirigés et lus pour la plupart par la génération 68 et ses jeunes disciples, qui plaquent leur vision idéologique sur le monde moderne.” Aux armes ! Débarrassons-nous des profiteurs vivant au crochet de la société, ces utopistes à barbe de 5 jours comme les squatteurs de Jeudi Noir qui ne semblent pas être tant que ça dans le besoin… Ah elle est belle l’exemplarité ! Quand bien même l’intervention de la police rue de l’Université [vidéo] semble avoir eu lieu devant le bâtiment, et que les interpellés soient des militants ou journalistes en fonction. Hum. Je ne me laisse pas sensibiliser, et pars de ce pas à la chasse aux Enfoirés, ces inscrits à l’ISF qui osent défendre les démunis. Je me gargarise, de plus, de ce discours officiel condamnant les agissements des impétrants squatteurs, rédigé par les Jeunes UMP. Je me refais un lip dub.

Samedi. Il est 14 heures, j’angoisse. L’idée de croiser un ressortissant de la cause rouge me pétrifie d’avance. Alors que je dégustais mon cinquième éclair aux pécans sur lit de canneberge attablée dans le fond du Café de Flore, on me dit que des communistes se sont glissés dans la salle. La peur m’étreint comme si un Rothschild devait traverser la cour d’un collège de ZEP. J’aperçois une écharpe rouge. Mon dieu, Il s’approche de moi ! C’est Christophe Barbier, ouf, sauvé.

16h, je me sens d’autant plus sauvé que la gauche semble au bord de l’implosion : les enfants Hollande-Royal ne souhaitent pas voir leurs parents s’affronter dans la course à la présidence de la république. Quant à savoir si le journalisme est sauf, c’est une autre histoire. La gauche est tellement mal que d’après Hugues Serraf, elle devrait s’inspirer de Villepin. Déjà qu’à l’époque où elle était au pouvoir (ça remonte à tellement loin ahah !), elle faisait des choses pas jolies jolies… Décidément, aujourd’hui, la vie est belle comme un second tour à 83%.

Ultime tentation

Dimanche. Je suis tiraillé par l’idée de passer définitivement à droite. Comme un dernier sursaut. Mon incertitude est alimentée par l’invitation de Nicolas Sarkozy à Lionel Jospin d’être utile à la République. Je suis par ailleurs gêné par le traitement qu’Atlantico réserve au discours présidentiel sur les origines chrétiennes de la France : il est équilibré. Entre analyse apolitique, témoignage d’un curé et invective d’une membre du Haut conseil à l’intégration. Pire ! Ils osent publier un article écrit par un gauchiste. Le coupable s’appelle Gaël Brustier et est dit “engagé au PS” ; son crime est d’analyser la popularité de Marine Le Pen en… déresponsabilisant la politique de Nicolas Sarkozy. Ah en fait tout va bien. Je suis d’autant plus rassuré qu’un commentaire à l’article m’indique que “le gouvernement de M. Sarkozy a pris toutes les mesures qu’il faut pour faire baisser le chômage, intégrer les immigrés et augmenter le pouvoir d’achat.”

Lundi. J’ai tout lu. À grands renforts de tribunes lyriques, j’ai un avis sur tout, je suis prêt à affronter n’importe quel débat et à empêcher de penser en rond. Indignez-vous, je vous attends. En revanche, pour ce qui est des reportages et des sujets sociaux, Atlantico s’en bat l’os. En conséquence, ce matin-là, je viens reprendre mes 2 euros à Jean-Pierre de la station Trocadéro. Et puis, de vous à moi, s’il est dans la rue, c’est pas ma faute mais c’est la loi de l’offre et de la demande. Tiens, j’ai un appel de Liliane en absence. Il faut que je lui parle de la suppression de l’ISF.

22h, ma semaine s’achève sur un air réactionnaire. Je crois être guéri du gauchisme. Peu importe que le “vent nouveau sur l’information” mentionné comme slogan soit un vent d’après-midi d’août circulant autour d’un kir et d’un Valeurs Actuelles posé à l’ombre de ma terrasse privative ; un vent nouveau qui convoque le fantôme d’Albert Londres mais en portant davantage la plume dans le plaid ; un vent nouveau porté par des éditoriaux qui passionnent surtout l’éditorialiste qui a sa bio sur le côté. Oui peu importe, car il est beau et fier ce libéralisme au slip rembourré qui exalte mon patriotisme de légionnaire néo-colonial. Alors pourquoi se cacher d’aimer ça ? Grâce à Atlantico, j’adore être de droite.

Crédits Photo FlickR CC : sun dazed

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