OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 15.000 logements au bord du scandale http://owni.fr/2011/06/09/15-000-logements-au-bord-du-scandale/ http://owni.fr/2011/06/09/15-000-logements-au-bord-du-scandale/#comments Thu, 09 Jun 2011 14:31:03 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=67146 C’est désormais prouvé : la ville de Marseille gère ses HLM en multipliant irrégularités, embrouilles, et mauvaises manières. Un rapport de la Mission Interministérielle d’Inspection du Logement Social (Miilos), diffusé en petit comité, dresse un bilan accablant des activités de Habitat Marseille Provence (HMP), l’un des plus gros bailleurs sociaux de la ville. 15.000 logements sur l’ensemble du territoire marseillais. Le rapport, achevé en janvier dernier, a été remis à quelques décideurs. Mais sans provoquer de réel changement dans la gestion de HMP, un office public dirigé par la municipalité. OWNI a décidé de mettre en ligne ce document, dans son intégralité (voir ci-dessous).

Parmi les négligences les plus graves, la Miilos met les élus en garde contre des retards importants dans l’entretien et la maintenance d’une partie du parc « susceptibles dans certains cas de ne pas garantir la sécurité des locataires ». Et énumère quelques lacunes à la limite du copinage coupable : absence d’appel d’offre pour l’assistance et le conseil pour la gestion et le recouvrement des loyers (confié à la même SARL depuis mai 2006); absence de contrôle interne et hiérarchique pour la tenue de la comptabilité, etc. Les conclusions des auteurs évoquent un inventaire de crapuleries organisées sur une vaste échelle :

Les taux de loyers supérieurs aux maxima conventionnels actualisés doivent être supprimés et les trop-perçus remboursés. HMP s’attachera à supprimer les irrégularités relatives à certaines prestations commandées sans publicité ni mise en concurrence et aux ventes de logements aux locataires qui ne respectent pas les prix maximum autorisés réglementairement.

HMP précise qu’il « prend acte des constats de la mission et qu’il poursuit » ses efforts. Si le rapport de la Miilos se limite à l’audit des exercices 2009 et 2010, la gestion très contestable d’HMP se révèle plus ancienne. Nous avons rencontré à Marseille des locataires lancés dans de véritables guérillas judiciaires pour faire valoir leurs droits auprès de l’organisme public.

Le 2 novembre 2010, la Cour d’appel de Marseille a donné raison à un collectif regroupant 89 d’entre eux. Leur cité, rentable depuis 1967, ne recevait pas les fonds indispensables à l’entretien extérieur et la rénovation des appartements. Une victoire historique pour ces familles, après onze années d’une procédure entamée en août 1999 avec une plainte contre HMP. Mais qui, sur le terrain, ne provoque pas de réels changements. Louise Nenna, présidente de la “Confédération Nationale du Logement 13″, que nous avons rencontrée, livre un constat désolé après cette décision :

Les travaux sont reculés tous les ans. Ils devaient commencer fin 2010 et sont repoussés au 4ème trimestre de 2011. L’organisme est en réalité condamné à effectuer des travaux qu’il n’a pas fait depuis 1926. Les façades, les volets, les fissures, etc., pour éviter les remontées d’humidité entre autres.

Le patron de HMP, Jean-Luc Ivaldi, ex-directeur adjoint du cabinet de Jean-Claude Gaudin, renvoie les locataires « à la lenteur de la justice ». Ailleurs, on cherche encore les explications. En 2007 par exemple, dans la cité des Lauriers (13ème arrondissement de Marseille), les habitants ont été privés d’ascenseurs durant plusieurs semaines. Même chose à la cité des Oliviers. Mais les ascenseurs changés, HMP n’a plus été en mesure de financer les travaux de réhabilitation et le gros entretien.

Sans véritables raisons.


Cet article est le premier volet d’une enquête au long cours. A suivre /-).

Illustration Flickr CC Nicolas Vigier

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Vérifier ses infos, une faute professionnelle pour certains rédacteurs en chef! http://owni.fr/2011/05/05/verifier-ses-infos-une-faute-professionnelle-pour-certains-redacteurs-en-chef/ http://owni.fr/2011/05/05/verifier-ses-infos-une-faute-professionnelle-pour-certains-redacteurs-en-chef/#comments Thu, 05 May 2011 06:30:47 +0000 Jean-Sébastien Lefebvre (L'expérience européenne) http://owni.fr/?p=55766 Comment perdre une pige ? Simple : en faisant son boulot de journaliste.

Il y a deux/trois semaines de cela, une revue spécialisée dans le milieu médical me contacte. Un mail du genre :

Cher Monsieur le pigiste,
Étant donné que vous êtes capable de comprendre une directive européenne et connaissez le fonctionnement du machin, nous aimerions vous proposer une collaboration.
Nous avons découvert la mise en ligne d’une pétition contre l’interdiction programmée des plantes médicinales en France, du fait de la transposition d’un texte européen. Ça buzzouille un peu.
Pourriez-vous nous dire ce qu’il en est ? Un 2000 signes serait l’idéal.
Bon courage Balthazar.

Pas tous les jours que les rédacs chef me demandent directement des sujets. Plutôt cool. Je fais rapidement le calcul dans ma tête: 2000 signes, avec ce mag, ça fait dans les 90 euros, le temps de travail est raisonnable et ça paiera ma facture de téléphone héritée de mon combat contre l’URSSAF de janvier dernier. Allez, vendu, j’accepte. A moi les directives santé !

Stupeurs, tremblements… et pot aux roses

Juste le temps de revenir à Bruxelles, de torcher un Conseil européen et je me mets au boulot.

Acte I : j’épluche la fameuse pétition. Effectivement, en la lisant, je suis moi-même effaré. MON DIEU ! L’Union Européenne veut interdire les plantes médicinales via une procédure d’enregistrement extrêmement chère (genre des milliards d’anciens francs) que seuls les grands laboratoires peuvent se payer, détruisant ainsi les millénaires de savoir-faire de l’herboriste auvergnat qui sauve tous les ans des milliers de vies (non, vous n’êtes pas sur TF1, pas la peine de zapper).

D’ailleurs, tout cela n’est que le résultat du lobby intensif de ces mêmes groupes pharmaceutiques qui contrôlent Bruxelles via des députés européens tous plus véreux les uns que les autres (je ne vous parle même pas de la Commission). Bref, après avoir lu cette pétition, je suis prêt à voter Chasse-Pêche-Nature-et-Tradition.

Acte II : Prenant mon courage à deux mains, je cherche la fameuse directive incriminée. Un numéro du genre XXC49593/4589 bla bla bla. Quand vous cherchez quelque chose sur le site de la Commission européenne, mieux vaut avoir les références, le titre, la date de sortie et l’auteur, car sinon ce n’est même pas la peine, vous en avez pour l’année. Pif pouf, je la trouve.

Je commence à décortiquer le machin. Il faut savoir que le début est toujours largement inintéressant. Ils rappellent plein de choses et expliquent pourquoi ils veulent pondre cette directive (et ainsi justifier leurs salaires).

Évitant de m’endormir entre les deux parties, je tombe enfin sur ce qui m’intéresse : les fameuses décisions concrètes. Je lis, je déchiffre, je relis car j’ai rien compris, et même une troisième fois car la tournure me semble vicieuse et PAF ! BINGO ! Je l’ai le fameux passage censé apporté la désolation sur les peuples d’Europe. Alinéa 8 :

En vue de faciliter davantage l’enregistrement de certains médicaments traditionnels à base de plantes et de renforcer l’harmonisation, il convient de prévoir la possibilité d’établir une liste communautaire de substances végétales répondant à certaines conditions, telles qu’un usage médical d’une durée suffisamment longue, et qui, partant, sont considérées comme n’étant pas nocives dans les conditions normales d’emploi.

Et un peu plus loin:

La présente directive permet aux produits non médicamenteux à base de plantes satisfaisant aux critères de la législation sur les denrées alimentaires d’être régis, dans la Communauté, par cette législation.

Que dire ? Encore une victoire de canard.

Stop à l’intox ? « Cela ne nous intéresse pas ! »

En effet, la méchante UE n’interdit rien du tout. Ce qu’elle interdit, c’est l’appellation médicament à certaines plantes. Mais n’en interdit pas l’usage, tant qu’elles ne sont pas nocives pour la santé. Bref, pas besoin de tourner autour du pot : cette pétition, c’est du flan, de l’intox, du pipeau, du n’importe quoi.

Acte III : Tout fier de moi, j’envoie un mail au rédac chef pour lui expliquer le truc, lui proposant un papier « stop à l’intox ».

Réponse:

Finalement, non merci cela ne nous intéresse pas.

Nonnnnn. Adieuuuuu la pige. Adieuuuuuu les 90 euros.

Je pestais sévère quand même. Ouiiiiiii mais voilàààààà, tu fais ton boulot et puis voilà le résultaaaaat, patati et patataaaa. Tout ça, c’est encore la faute de l’Europe !

J’aurais été un blaireau non consciencieux, je me serais contenté de reprendre la pétition et de valider ses dires. Mais non, il a fallu que je fasse mon boulot, ce qui par la même occasion m’a fait perdre mon gagne-facture-téléphonique.

Monde cruel.

Un confrère qui bosse pour des revues américaines m’expliquait l’autre jour que ces dernières le payaient en fonction du temps passé à bosser sur un article, même si au final ses recherches sont vaines. Du genre: 3h de recherches, 2h d’interviews, 2h d’écriture, hop ça vous fait tant, merci. Ils sont forts ces ricains.

Pour terminer et bien enfoncer le clou: dans la foulée je parle de mon histoire à un autre confrère (oui j’en ai plein), qui en deux secondes me sort un article du Point, publié la veille, expliquant toute la mascarade de la pétition…

P*****… La pige la plus plantée de l’histoire.


Article publié initialement sur le blog de Jean-Sébastien Lefebvre, L’expérience européenne, sous le titre Comment perdre une pige.

Photo FlickR CC : Russel Roesner ; Chris Stromblad ; Zeke Reno.

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Xavier de Ligonnès: traque sur Internet http://owni.fr/2011/05/04/xavier-de-ligonnes-traque-sur-internet/ http://owni.fr/2011/05/04/xavier-de-ligonnes-traque-sur-internet/#comments Wed, 04 May 2011 17:36:37 +0000 Loic H. Rechi http://owni.fr/?p=61097 En novembre 2008, Raphaël Meltz – rédacteur en chef du journal Le Tigre et candidat inattendu à la direction du journal Le Monde – signait un brillant papier qui allait faire le délice de bien des médias. Intitulé “Portrait Google: Marc L“, l’article en question s’évertuait à dresser un portrait assez complet d’un parfait inconnu en s’appuyant uniquement sur les traces numériques laissés par ce pauvre bougre au gré de ses connexions. Marc L. était ainsi devenu célèbre bien malgré lui. Intronisée cas d’école, sa mésaventure avait le mérite de faire comprendre aux néophytes que disséminer des données personnelles en ligne est tout sauf un acte anodin.

Deux ans et demi plus tard c’est un atroce fait divers, l’affaire Ligonnès, qui vient rappeler le portrait visionnaire de Meltz. En partant d’infimes informations numériques laissés ça et là par Agnès et Xavier Dupont de Ligonnès, des centaines d’internautes – improvisés en cyber-enquêteurs – ont pris un malin plaisir à tirer les fils, jusqu’à défaire les pelotes de deux vies numériques. En dénichant des photos inédites, en traquant des amis de la famille, et en dévoilant les questionnements sexuels de l’une sur Doctissimo et les doutes théologiques de l’autre laissés sur un forum catholique, les cyber-enquêteurs ont – souvent sans le savoir – réalisé exactement le même travail que Raphaël Meltz en son temps; à la différence près que leurs cibles étaient déjà dans l’oeil du cyclone médiatique. C’est en ce sens une grande première,  qui s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs.

Le rôle prépondérant de Facebook

Si une telle prouesse s’est révélée possible, c’est tout d’abord parce que les internautes ont disposé d’un outil qui leur a  facilité la tâche : les groupes Facebook. Rapidement lassés par le peu de place laissée aux questionnements sur les groupes d’hommage à la famille Ligonnès, un certain nombre d’entre eux ont pris les devants en en créant de nouveaux. Ils allaient devenir des petits laboratoires d’enquête où chacun pouvait y aller de sa contribution. Christophe la Vérité – un pseudo révélateur – est l’un d’entre eux. Créateur du groupe Xavier Dupont de Ligonnès: Enquête et Débat, il justifie sa démarche  en expliquant que la personnalité de l’homme le plus recherché de France l’intriguait.

“Je l’ai appelé “Enquête et Débat” car je voulais parler d’autre chose que d’hommage. Mais la création de ce groupe est un accident à la base. Au début, je cherchais des informations sur Xavier Dupont de Ligonnès. J’avais vu l’interview d’un de ses collaborateurs dans une entreprise implantée sur le web. Mais le type n’avait pas vraiment l’air d’un web-entrepreneur. J’ai donc commencé à chercher des informations sur leur affaire, notamment en allant sur des sites de web-archivage. Au début, la démarche n’était pas très sérieuse. Puis quand c’est devenu un travail collectif, on a commencé à trouver des informations inédites. Mais on m’a présenté à tort comme un hacker sur Canal Plus, alors que j’essaie simplement d’exploiter les moteurs de recherche au maximum.”


Le groupe grossit rapidement et des centaines de membres rejoignent les débats pour partager hypothèse ou délires paranos. Parfois, aussi, quelques informations inédites. Heure après heure, les existences numériques de XDDL, de sa femme et de leurs enfants sont exposées, sans filtre. Certains plus doués que d’autres, comme Thierry H., poussent même les recherches très loin, dénichant des photos de Xavier alors âgé d’une vingtaine d’années. Jusqu’à retrouver la trace de Christian L., ami et proche collaborateur du fugitif.

“Un soir, je suis tombé sur son profil Facebook et étonnamment, il était ouvert. J’ai alors commenté sur sa photo de profil ‘Où est Xav ?’. J’avais fait ça pour déconner un peu mais le mec a pas mal paniqué et m’a demandé qui j’étais. On a commencé à échanger beaucoup d’e-mails. Il a été très franc avec moi et m’a expliqué que le GIGN avait débarqué chez lui quelques jours plus tôt. On est alors rentré dans un échange où j’ai été direct avec lui. Je lui ai dit: ‘Maintenant si vous avez des infos, il faut les donner. Soyons francs pour que les choses ne se reproduisent plus !’”

Des motivations différentes

La démarche et les méthodes de Thierry peuvent paraître hardcore. Mais pour ce photographe de 28 ans, la motivation à mener l’enquête est à replacer dans un cadre où il s’agissait avant tout de jouer. Stalker invétéré au quotidien, Thierry partageait d’ailleurs son profil d’enquêteur avec plusieurs amis. Pour autant, une telle approche n’est propre à tous les participants. Pour d’autres, comme Jean Dubois – administrateur d’un autre groupe facebook “enquête et débat“,  consultable seulement après acceptation préalable – les motifs de la web-enquête trouvent aussi leur essence dans la thérapie de groupe, dans le besoin de comprendre comment une famille en apparence ordinaire peut basculer dans l’horreur.

Il y a une grosse semaine, on discutait sur des faits concrets. Là, comme on est à cours d’information, on discute beaucoup du profil psychologique de Xavier Dupont de Ligonnès. C’est un exutoire, une sorte de cellule de soutien psychologique. C’est l’incroyable banalité de cette famille qui nous choque. On a besoin d’en parler, de comprendre, même si c’est de manière maladroite. Contrairement à d’autres, on ne fait pas d’humour noir et on évite de franchir la ligne jaune.

De l’utilisation du fake

Si les motivations entre joueurs et “thérapeutes” diffèrent, il est pourtant une philosophie qui les relie: l’utilisation de faux profils [fakes, en anglais]. Prenant Facebook à son propre jeu – inutile de rappeler à quel point Mark  Zuckerberg est le chantre de la transparence identitaire sur le web – tous ceux qui ont daigné m’accorder des interviews ont concédé utiliser des fakes. Christophe la Vérité, Thierry H., Jean Dubois, Lena Nale, Columbo Grissom, Bluc DesCinq ou autant de cyber-enquêteurs qui ont fait le choix de l’anonymat.

Là encore, le raisonnement est unanime. Face à la peur d’être découvert par un membre de leur famille ou de leur entourage professionnel, ces détectives à la petite semaine ont pris le parti de se protéger tant que possible. Plus étonnant aussi, c’est la crainte d’être identifié et de provoquer le courroux d’un Xavier de Ligonnès qui motive parfois l’utilisation du fake. Jean Dubois, un jeune diplômé de 24 ans à l’accent chantant, confirme :

“C’est vrai qu’il y a un peu de peur. Si XDDL est vraiment accro à l’internet comme cela semble être le cas, on se dit qu’il ne va pas décrocher du jour au lendemain. Et dans cet esprit de psychose, on se demande alors ’si un meurtrier comme lui venait à lire des écrits attribués à notre nom, est-ce qu’il ne chercherait pas alors à nous retrouver ?’”

Quand Christophe Hondelatte s’en mêle

Depuis l’apparition des groupes d’enquête, il y a une douzaine de jours, c’est une relation cimentée d’amour/haine qui s’est établie entre les cybers-enquêteurs et les médias. Cette idylle tourmentée puise notamment de sa vigueur dans les conneries que certaines chaînes de télé ont pu raconter à propos des premiers. Christophe la Vérité a par exemple été qualifié de hacker, là où cet employé de 25 ans d’une entreprise web ne s’est que contenté d’avoir recours à quelques bases élémentaires du stalk, sport quotidien de ma génération.

Passés les premières heures propices aux découvertes, Christophe, Jean et les autres sont aujourd’hui principalement tributaires des révélations quotidiennes de la presse, qui constituent autant de nouvelles pistes à creuser. La fascination de ces internautes pour l’affaire de la tuerie de Nantes s’explique en partie par la diffusion d’une émission qui fait le bonheur de millions de téléspectateurs chaque dimanche soir : Faites entrer l’accusé. En revenant en détails chaque semaine sur une affaire sordide, France2 a probablement créé plus de vocations de détective que n’importe quel Mikael Blomkvist ou Hank Chinaski.

A tel point qu’à peu près chaque cyber-enquêteur m’a confié à un moment ou à un autre qu’il était un spectateur plus ou moins régulier de l’émission présentée par Christophe Hondelatte. Quand on demande à l’infirmier de 35 ans se cachant derrière le pseudonyme de Columbo Grissom quelles ont été ses motivations pour se lancer dans cette enquête numérique inédite et improvisée, la réponse est limpide.

“Je n’ai pas du tout la prétention de me prendre pour un quelconque enquêteur, mais il est vrai que j’ai toujours été attiré par ce genre d’affaire. Je ne loupe jamais l’émission de Christophe Hondellate: Faites entrer l’accusé.”

La culture globalisée de la chasse à l’homme numérique

La combinaison de ces différents facteurs vient de propulser la France au cœur d’une tendance sur laquelle elle demeurait à la bourre : les chasses à l’homme numérique. Tendance largement établie aux États-Unis sur 4chan ou en Chine avec les Renrou Sousuo – littéralement moteur de recherche de chair humaine, les traques numériques collectives ont parfois permis de retrouver les coupables d’actes assez crades sur des animaux par exemple. Revers de la médaille, elles ont aussi plongé de paisibles innocents et leurs familles dans des tourments bien réels, à l’instar de cette Chinoise étudiante aux États-Unis désignée comme traître à la nation pour s’être improvisée médiatrice entre pro et anti-tibétains lors d’une manifestation à l’université de Duke.

Qu’on cautionne ou non l’action des web-enquêteurs français dans le cadre de l’affaire Ligonnès, on ne peut nier le caractère populaire et transgénérationnel qu’elle revêt. Du photographe à l’infirmier, de l’entrepreneuse à l’étudiant en recherche d’emploi en passant par l’employé d’agence web ou le fonctionnaire: ce sont des hommes et des femmes aux parcours et aux professions bien différentes qui se sont retrouvés unis autour d’une même traque. Le constat est le même pour ce qui est de la différence d’âge. Jean Dubois s’est ainsi amusé à faire un petit sondage au sein de son groupe privé. Parmi les deux-cents membres, l’âge varie de 19 à 55 ans avec une moyenne tout de même assez élevée de 37 ans: il ne s’agit dont pas que de l’amour du stalk.  Bien entendu, les plus âgés d’entre eux ont été passablement surpris en découvrant que l’anonymat supposé sur le net peut rapidement s’écrouler, pour peu qu’on ait eu le malheur – ne serait-ce qu’une fois – de laisser trainer une adresse email ou de se confier un peu trop en détails.

Illusoire anonymat

Pour Thierry, bien au fait de ces questions, contribuer à l’enquête – en parallèle du jeu et de l’excitation – constituait aussi un moyen de donner une leçon aux internautes un peu à la ramasse:

Participer était aussi un moyen de faire un pied de nez à ces mecs qui font de l’internet un minitel. Ce sont les mêmes qui ont une double vie sur internet. C’était un moyen de leur dire “on vous voit, l’internet n’est pas anonyme”. [...]

Les gens notre âge, on connaît ces outils, on sait que tout est traçable et que l’anonymat sur internet est tout relatif. Cette affaire permet au final de poser une vraie question, celle de la sécurité des données sur internet. La leçon, c’est qu’il y aurait peut-être une éducation à faire à l’école et à la maison pour que les gens apprennent à faire attention à leurs données.

Le plus étonnant dans cette histoire est peut-être l’étanchéité entre les enquêtes de la police et celle des internautes. A l’exception de Thierry qui a pris la peine d’appeler le numéro vert mis en place par la police – “Plus en anonyme cette fois” – pour partager les informations glanées au cours de sa petite entreprise de stalking, aucun des autres cyber-enquêteurs contactés n’en a fait la démarche. Et à l’inverse, les forces de l’ordre ne se sont jamais adressées directement à aucun d’entre eux. Seul l’administrateur du forum catholique sur lequel Xavier Dupont de Ligonnès s’étalait largement est entré en contact avec eux. Une fois seulement après que les internautes aient découvert que XDDL avait laissé un message, plusieurs jours après la date supposée de la tuerie.

A travers l’excitation de devenir le détective d’un jour, l’amour du stalk ou la volonté de comprendre l’indicible, un pan de l’internet a dressé le profil psychologique d’un homme. Signe du succès de cette entreprise, les médias traditionnels n’ont pas manqué de reprendre les informations débusquées, leur conférant – qu’on le cautionne ou non – une légitimité indéniable dans la fenêtre médiatique toujours en cours. En contre-partie, rien ne permet de dire que le travail abattu ait pour autant aidé les vrais enquêteurs à lever le mystère sur la disparition du principal suspect dans la plus froide tuerie familiale qu’ait peut-être jamais connu ce pays.

Ce qui me fait penser qu’en définitive, le métier d’enquêteur a une chose en commun avec celui de journaliste. Rien ne vaut le terrain.

>> Photos Flickr CC BY-NC-SA  par XiXiDuCiro Boro et nhussein.

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Influence Networks: mode d’emploi http://owni.fr/2011/04/11/influence-networks-mode-emploi/ http://owni.fr/2011/04/11/influence-networks-mode-emploi/#comments Mon, 11 Apr 2011 15:29:53 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=56180 En octobre 2010, lors du Personal Democracy Forum de Barcelone, plusieurs journalistes d’investigation ont expliqué comment ils avaient débusqué des affaires de corruption en procédant à l’analyse de réseaux. L’un d’entre eux, Dejan Milovac, a enquêté sur un projet immobilier situé sur la côte du Monténégro. Il a décortiqué les réseaux financiers autour du projet et montré comment des politiciens locaux étaient de mèche avec les promoteurs qui saccagent le littoral. Le résultat se visualise ainsi :

Le schéma pourrait gagner en lisibilité. Par ailleurs, les relations exposées par cette enquête peuvent être utiles à d’autres journalistes travaillant sur des thèmes connexes. En l’état, difficile de réutiliser le travail de Milovac.

L’analyse de réseaux est un thème en vogue chez les médias et les ONG. Channel 4 entretien Who Knows Who, une base de relations entre personnalités britanniques. A Hong Kong, le South China Morning Post a lancé Who Runs HK ?, qui fonctionne de la même manière. Ces interfaces, bien que gérées par des journalistes, restent fermées et incompatibles avec les standards ouverts.

Du côté des geeks, le projet Little Sis est, lui, collaboratif et ouvert, avec son API. Il recense 57 000 personnes et près de 300 000 connexions. Seul problème : l’information présentée n’est pas validée et seul un système d’alerte (flag) permet de lutter contre la désinformation. Compte-tenu de la sensibilité d’un tel projet, les lobbys de tous poils auront tôt fait de manipuler le système.

Comment ça marche ?

Il manquait donc un outil d’analyse de réseaux d’influence à l’usage des journalistes qui soit à la fois ouvert et fiable. Influence Networks cherche à répondre à ce problème. La plateforme permet à quiconque d’insérer une relation dans la base de données (onglet add a relation). L’information insérée reçoit le statut de “rumeur” tant que personne n’a vérifié sa fiabilité.

L’onglet review a relation permet de vérifier la crédibilité des relations ajoutées par les autres utilisateurs. La relation est alors notée sur une échelle allant de rumeur à fait établi. La note reçue par la relation dépend également de l’indice de confiance (trust level) de l’utilisateur qui la vérifie.

Prenons un exemple. Mathias s’inscrit sur la plateforme. Il commence avec un trust level de 1 sur une échelle de 5. Il insère une relation sourcée, qui est ensuite validée comme un fait établi par un utilisateur possédant un trust level de 5. La relation obtient alors le statut de fait établi et le trust level de Mathias augmente de 0.5.

Mathias ajoute ensuite une autre relation sourcée, validée cette fois en tant que “fait établi” ci par Georges, qui a, lui, un trust level de 1. Cette fois-ci, puisque l’on ne sait pas quelle confiance accorder à Georges, la relation obtient un statut légèrement supérieur à celui de rumeur.

Aujourd’hui, alors que le projet vient d’être lancé, la base ne compte encore que peu de relations. Nous ajouterons dans les mois qui viennent une fonctionnalité d’ajout de relations en masse (une feuille de présence à un meeting, par exemple). Par ailleurs, les entités (personnes et organisations) que l’on peut mettre en relation sont celles offertes par freebase, une sorte de Wikipédia structuré dans un format compréhensible par l’ordinateur. Dès lors, si l’entité recherchée n’est pas disponible, il faut aller l’ajouter manuellement dans freebase [inscription nécessaire]. Là encore, nous allons ajouter une fonctionnalité permettant d’effectuer cette tâche au sein d’Influence Networks.

Investigation collaborative

L’objectif d’Influence Networks est, à terme, qu’un journaliste ou un groupe de citoyens engagés puissent définir un sujet d’enquête (les liens entre l’actionnaire majoritaire d’un groupe de cosmétiques et le gouvernement, par exemple) et collecter des informations de manière collaborative, sans passer un temps considérable à valider et vérifier les éléments reçus.

Les éléments collectés étant recueillis dans un format compréhensible par l’ordinateur et structuré de manière sémantique, les données peuvent être croisées et parler d’elles-mêmes. Une recherche entre les entités L’Oréal et gouvernement français, par exemple, aurait pu montrer directement les possibles conflits d’intérêts d’Eric Woerth en montrant qu’il était lié à la multinationale via sa femme.

L’outil n’est, bien sûr, pas adapté à de l’investigation réalisée à partir de documents confidentiels, mais il permet de structurer et de réorganiser l’information déjà publique. Et l’analyse d’origine source ouverte (OSINT) reste l’un des domaines les plus dynamiques du renseignement – et, partant, du journalisme d’investigation.

Open-source et international

Influence Networks est le fruit d’une collaboration entre OWNI, Transparency International, Zeit Online et l’Obsweb de l’université de Metz. Ce groupe a porté le projet et l’a présenté à deux concours de journalisme innovant. Nous n’avons pas été sélectionnés en finale du Knight News Challenge, mais sommes arrivés parmi les 75 premiers (sur plus de 1 500 candidats).

Nous faisons en revanche partie des 10 finalistes de l’Uutisraivaaja Challenge, concours similaire organisé par les finlandais de la Sanomat Foundation. La dotation de 10 000€ reçue nous permettra de rajouter plusieurs fonctionnalités et de continuer à rechercher des moyens de développer le projet.

Par ailleurs, le code de l’application est ouvert avec la licence MIT. N’hésitez pas à aller le décortiquer chez GitHub et à contribuer au développement de nouvelles fonctionnalités !

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Europe Écologie: à gauche selon ses sympathisants? http://owni.fr/2010/08/23/europe-ecologie-a-gauche-selon-ses-sympathisants/ http://owni.fr/2010/08/23/europe-ecologie-a-gauche-selon-ses-sympathisants/#comments Mon, 23 Aug 2010 17:00:59 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=25777 À l’occasion de l’université d’été d’Europe Écologie, une enquête commandée(ppt) par le mouvement à l’agence « Somme Toute » a été menée auprès des signataires des appels au rassemblement et de sympathisants. Elle positionne clairement Europe Écologie à gauche (83%), même si 12% ne le considèrent ni à droite ni à gauche et seul 3% au centre. Politis s’est procuré cette enquête: en voici quelques éléments.

Un profil type attendu

Le taux de réponses assez élevé (15%) donne une idée du profil des sympathisants du mouvement. Cadres ou de « professions intellectuelles supérieures » (elle est belle cette dénomination), anciens de partis politiques de gauche ou de centre-gauche (33% sont passés par le PS), syndiqués à la CFDT (35%), militants de Greenpeace à 35% aussi, le “profil type” surprend peu.

81% des personnes interrogées se disent prêtes à participer aux comités organisés sur une base régionale ou locale, plutôt que nationale. Il faut noter que la majorité des personnes interrogées n’est pas adhérente à Europe Écologie ou au parti Vert. Cette démarche peu commune au sein des formations politiques traditionnelles est très appréciée par les potentiels nouveaux arrivants en politique.

La conversion écologique de l’économie en point de mire

Sur la question du projet de l’écologie politique, les grands thèmes mis en avant sont évidemment “la conversion écologique de l’économie” (69%) et “la protection de l’environnement” (47%), mais “la préservation du modèle de protection sociale” est aussi très importante (40%). De même, des thèmes portés par des personnalités venues à Europe Écologie pendant la campagne des européennes semblent cruciaux. “La défense de l’agriculture paysanne” (40%) chère à José Bové et “la lutte contre les paradis fiscaux et la délinquance” (37%) symbolisée par Eva Joly sont très souvent choisis parmi les propositions à mettre en avant ces prochains mois.

La question de la forme organisationnelle du futur mouvement écologiste est un peu plus dure à disséquer. 73% des sympathisants écolos sont tentés  (39% le sont tout à fait) par un mouvement du type une personne-une voix mais 56% d’entre eux n’auraient rien contre l’adhésion à une organisation regroupant aussi bien des individus que des associations, des syndicats, des partis…

Ils sont 79% à être sûrs de ne pas vouloir d’un parti politique plus classique: étonnant, non ?

Photo CC FlickR : Alexandre Léchenet

Crédit Photo : (DR. Europe Ecologie)

Retrouvez l’intégralité de l’étude en ppt.

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L’invention de l’enquête “en live” http://owni.fr/2010/07/20/linvention-de-lenquete-en-live/ http://owni.fr/2010/07/20/linvention-de-lenquete-en-live/#comments Tue, 20 Jul 2010 08:12:18 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=22354 Tout commencera le 21 juillet 2010. À partir de cette date, les visiteurs du site allemand neon.de, pourront suivre la contre-enquête du journaliste Michalis Pantelouris, sur les circonstances du décès, en Grèce, d’une jeune chanteuse, Susan Waade. Il s’est engagé à mettre en ligne en continu les résultats de son travail, les documents qu’il trouvera, les vidéos de ses entretiens, etc. Un choix de transparence qui est le fruit d’une réflexion mûrie : « Les journalistes travaillant devraient être accessibles par leurs lecteurs le plus directement possible », dit-il.

Susan Waade

La chanteuse Susan Waade (D.R.)

Dans la nuit du 25 au 26 juin 2007, la jeune chanteuse berlinoise Susan Waade [photo ci-contre] meurt dans des circonstances troublantes à Athènes, en Grèce. Son corps ne sera découvert que le 30 juin. Il est agenouillé au sol, une écharpe de laine autour du cou accrochée par un foulard de soie à une poutre de béton. Aucune table, tabouret ou chaise, d’où elle aurait pu se jeter pour se pendre, n’est retrouvé dans l’environnement proche. Pourtant, la police athénienne va conclure au suicide. La famille ne sera prévenue du décès que le 3 juillet, et découvrira avec effarement que Susan a déjà été enterrée dans le cimetière de Zougafru à Athènes.

Trois ans après le drame, Michalis Pantelouris, reçoit un mail de Marion Waade, la mère de Susan, lui demandant en substance de reprendre l’enquête. Ancien journaliste de faits divers [Polizeireporter], il se montre d’abord extrêmement réticent. C’est pour lui peine perdue. Les autorités grecques ont clos l’enquête, et surtout pense-t-il, il se trouve face au cas classique où la famille ne veut pas admettre le décès de leur enfant. Un tel événement, sait-il d’expérience, « affaiblit considérablement la capacité de jugement ».

Mais il faut croire, que Marion Waade sut se montrer convaincante. Il reprend le dossier, trouve effectivement qu’il y a des lacunes, des pistes à suivre, bref, qu’il y a des questions, et « les questions c’est par cela que commence le journalisme ».

À partir de là que faire ? Rester dans les canons du journalisme classique, c’est-à-dire choisir un angle : celui du « scandale » [une jeune fille a été assassinée et les autorités n'ont pas fait leur travail] ou un autre triste et accusateur, celui de la « tragédie sociale » [une famille de Berlin croit que sa fille a été assassinée et exige que la lumière soit faite] ? Cette solution, où l’on prédétermine un choix éditorial avant un travail de terrain ne lui semble pas adaptée. Plus grave, cela lui semble « une perte pour le journalisme et cela empêche le journalisme de contribuer au fonctionnement de la société comme il le devrait ».

Un parti-pris radical : jouer la transparence

Michalis Pantelouris

Michalis Pantelouris (print-wuergt.de)

Il se retrouve donc avec « une histoire qui mérite d’être racontée », mais qui n’a pas de fin, où il n’y a pas de thèse à défendre, pas de direction à suivre ; « une histoire compliquée , étendue, difficile à saisir clairement, tout comme l’est la vie. » Bref, « tout ce que n’est pas le journalisme ».

C’est alors que naît l’idée du « livereportage » [c'est ainsi que M. Pantelouris la nomme], c’est-à-dire de raconter l’enquête telle qu’elle se déroule sans schéma préconçu, sans savoir exactement où elle peut conduire, avec le risque de passer dix jours [c'est le temps prévu pour l'enquête] à frapper à des portes qui restent désespérément closes, avec des interlocuteurs refusant de répondre. Mais c’est ici que le parti pris de Michalis Pantelouris est radical. Il veut jouer le jeu de la transparence :

« Aujourd’hui, nous ne savons comment les journalistes travaillent (…) on ne peut pas vérifier quelles informations ils possèdent réellement, ni comment ils les interprètent. Les journalistes peuvent se sentir mieux ainsi, mais ce ne sera pas le cas nécessairement pour leurs clients, leurs lecteurs. »

À travers cette expérience, c’est bien le journalisme qu’il veut changer :

Je pense que les lecteurs (y compris moi comme lecteur) ont le droit d’instruire et de contrôler les journalistes. Mais la réalité est que les journalistes se racontent sans cesse entre eux des histoires fantastiques, ajoutant toujours cette phrase : « Ça ne peut pas être publié ». Au lieu d’être des fournisseurs d’information, ils se considèrent comme des gardiens ou des filtres. C’est le développement le plus nocif qu’ait connu le journalisme. »

Un choix qui ne fait pas l’unanimité

Home de neon.de, le 19 juillet 2010

Home de neon.de, le 19 juillet 2010

Encore faut-il trouver un support de presse. Ce sera le site de Neon, un magazine du groupe Bertelsmann, via sa filiale Grüner und Jahr… Neon lancé en 2003, vise la cible des jeunes urbains âgés de 20 à 35 ans, et jouit d’un certain succès puisque ce mensuel se vend —selon son éditeur autour de 240.000 exemplaires.

Le site reprend certes le contenu du magazine, mais il est essentiellement conçu comme un site communautaire et participatif, dont les contenus (UGC) sont fournis et discutés par les membres de cette communauté. Dire que celle-ci accueillit avec enthousiasme l’expérience journalistique proposée par Michalis Pantelouris serait mentir. Les critiques vont se montrer particulièrement sévères, à l’exemple de « Jack Black », « Je dis non à une telle forme de reportage! (…) une forme de journalisme qui est clairement à sensation (…) e n’est pas sérieux de votre part de vouloir présenter à vos lecteurs sur un plateau d’argent la forme la plus primitive de journalisme ».

Des critiques qui sont loin de décourager Michalis Pantelouris. Mais maintenant place à l’enquête en live. À suivre sur ce lien [en allemand].

Pour aller plus loin:

  • Print Würgt, le blog de Michalis Panteroulis [en allemand]
  • Le blog de Stefan Niggemeier, journaliste spécialisé dans les médias [en allemand]
  • Le site consacré à Susan Waade, réalisé par sa famille et une vidéo « hommage », où l’on entend Susan Waade chanter [en allemand]

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Billet originellement publié sur MediaTrend.

Crédit photo CC Flickr : Mattbeckwith.

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Pour un journalisme de suivi http://owni.fr/2010/07/04/pour-un-journalisme-de-suivi/ http://owni.fr/2010/07/04/pour-un-journalisme-de-suivi/#comments Sun, 04 Jul 2010 12:07:10 +0000 Théo Haberbusch http://owni.fr/?p=21048 Vous aviez été nombreux à vous intéresser à l’enquête exemplaire menée par Propublica en partenariat avec le Los Angeles Times sur les faiblesses du contrôle des infirmières en Californie. Je vous en donne donc quelques nouvelles. Petit rappel : les révélations publiées étaient fondées sur la constitution et l’exploitation d’une base de données sur les infirmières sanctionnées pour des abus (négligence, abus sexuels, usage de drogue, criminalité) dans d’autres États mais autorisées à pratiquer en Californie, par manque de contrôle. Très vite, ce scoop avait fait tomber des têtes. Oui mais ensuite ? Et bien ce n’est pas fini.

C’est tout l’intérêt de cette enquête que de nous proposer un journalisme de suivi, qui ne se contente ni de l’incantation, ni de la dénonciation, mais qui suit les faits, au fil du temps.

Un récent article publié sur le site de Propublica nous apprend que le conseil des infirmières enregistrées (California’s registred nursing board) a découvert que 3500 de ses infirmières (donc autorisées à pratiquer!) avaient été punies dans d’autres États. Près de 2000 vont désormais devoir faire face à des procédures disciplinaires : c’est plus que le nombre total de procédures disciplinaires engagées durant les quatre dernières années !

Un suivi des conséquences de l’enquête

Gare au Schwarzie /-)

Le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger avait démis une bonne partie du Conseil des infirmières enregistrées après publication des révélations de Propublica.

Mais l’affaire est loin d’être terminée, comme l’expliquent bien les auteurs qui assurent un suivi pointu de leur enquête. Réduire la durée nécessaire pour traduire un soignant négligeant constitue un gros défi, l’objectif des autorités californienne étant de faire passer ce délai de plus de trois ans à moins de dix-huit mois. Difficile à tenir alors que l’enquête Propublica/LA Times a donc révélé 2000 cas qu’il faut désormais instruire!

Et pour assurer que de telles dérives ne se reproduisent pas à  l’avenir, un autre défi doit être relevé : celui d’une meilleure circulation de l’information entre les États américains, qui ne pratiquent pas tous le même type de contrôle sur leurs infirmières.

Une enquête vraiment multimédia

Pour finir, petit récapitulatif des composants de cette enquête épatante qui, si elle est effectivement longue à lire, tire aussi partie des potentialités d’Internet (clin d’oeil appuyé à Eric Mettout qui avait tapé il y a quelques temps sur une autre enquête de Propublica) :

  • le reportage complet
  • la « recette » du reportage pour le reproduire dans d’autres Etats
  • la base de données des infirmières sanctionnées depuis 2002
  • Des présentations multimédia de cas particuliers d’infirmiers coupables d’abus (ici et ici par exemple)
  • Des graphiques analysant la durée prise pour qu’aboutisse les procédures disciplinaires
  • Des diaporamas audios sur des victimes d’abus (par et par ici)

Billet initialement publié sur Mon journalisme sous le titre “Les (méchantes) infirmières californiennes sont de retour !”

Image CC Flickr bbcworldservice

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http://owni.fr/2010/07/04/pour-un-journalisme-de-suivi/feed/ 5
Des datas d’utilité publique sous la blouse http://owni.fr/2010/05/04/des-datas-dutilite-publique-sous-la-blouse/ http://owni.fr/2010/05/04/des-datas-dutilite-publique-sous-la-blouse/#comments Tue, 04 May 2010 15:52:37 +0000 Théo Haberbusch http://owni.fr/?p=11988 Les journalistes français sont-ils si mauvais ? se demande, dans un ouvrage récent, François Dufour, rédacteur en chef de Mon quotidien et ex vice-président des États généraux de la presse écrite. Je reviendrai bientôt en détail sur ce stimulant essai, mais je peux vous donner la réponse de François Dufour : oui, les journalistes français sont mauvais. Je ne souhaite pas reprendre en bloc ce jugement. Mais il est certain que les journalistes français démontrent  régulièrement des faiblesses inquiétantes. Plutôt que de pointer tel ou tel raté, je voudrais souligner notre marge de progression, en vous racontant l’histoire d’une enquête exemplaire. Pas de chance, elle n’a pas été réalisée chez nous.

Une fois n’est pas coutume, je vous invite à prendre l’avion pour traverser l’Atlantique. Direction la Californie. Là-bas, deux journalistes  ont réalisé un travail de dix-huit mois  et publié une enquête (commune au Los Angeles Times et à Pro Publica) de haute volée sur la façon dont étaient (ou plutôt n’étaient pas) sanctionnées les infirmières coupables de fautes ou de négligences professionnelles.

Enquête fondée sur des statistiques

Charles Ornstein et Tracy Weber, auteurs de l'enquête

Charles Ornstein et Tracy Weber, auteurs de l'enquête

C’est sur la méthode des deux journalistes que j’aimerais m’attarder. Ils se sont d’abord procuré une liste des infirmières ayant fait l’objet d’une procédure disciplinaire depuis 2002. À partir de là, ils ont consulté leurs dossiers disciplinaires, disponibles en ligne. Et ont remarqué dans plusieurs cas que les sanctions mettaient beaucoup de temps à être prises. Un infirmier condamné pour tentative de meurtre s’est ainsi vu renouveler son autorisation de pratiquer alors qu’il était en prison !

Mais il y a une différence entre un papier basé sur des anecdotes et une enquête fondée sur des statistiques. C’est pourquoi nos deux enquêteurs ont entré chaque cas d’infirmière faisant face à une procédure disciplinaire (2 400 en tout) dans une base de données. Y figure le nom de la personne, de ses employeurs, la date de la procédure et le type de sanction prises à son encontre, y compris dans différents États.

Une fois ces informations renseignées et consolidées, les reporters ont pu établir de façon chiffrée, donc  formelle, qu’en Californie, près de 100 infirmières considérées comme des dangers publics avaient pu continuer à pratiquer en raison des négligences du California nursing board, instance de régulation de la profession.

Une autre exploitation de la base de données met en évidence le fait que le California nursing board a mis en moyenne treize mois pour engager des poursuites à l’encontre de quelque trois cents infirmières déjà condamnées (licence révoquée ou suspendue) dans d’autres États.

Impact politique garanti

Impact garanti : après la publication de l’enquête, le gouverneur Arnold Schwarzenneger a remplacé dans les 48 heures la majorité du California nursing board, dont le président a démissionné.

Pour ceux qui sont intéressés par cette enquête, tout est en ligne, expliqué par le menu, mieux que je ne saurais le faire. Car le summum de la classe des deux reporters américains et de Pro Publica est d’avoir rendue publique leur « recette » pour réaliser l’enquête. Leur but : que leurs confrères d’autres États, qui disposeraient de moins de temps et de moyens, puissent la reproduire ! Il s’agit là d’une forme de journalisme collaboratif, qui pourrait permettre de donner à leur enquête une dimension nationale, si d’autres journalistes s’en saisissent.

Ce que nous pourrions en tirer en France

Quant à nous, qui passons en France beaucoup de temps à débattre de l’avenir du journalisme, voilà qui devrait nous remettre les idées en place. Plutôt que de pinailler sur l’intérêt ou non du « datajournalism » sans le pratiquer, plutôt que de nous demander si notre avenir est « entrepreunarial », plutôt que de débattre pour savoir s’il faut tweeter les résultats des régionales , ou encore plutôt que de disserter sur le futur de notre profession, mieux vaudrait se mettre au boulot.

Le chemin est clair. Ne pas avoir peur de nous confronter à des problèmes nouveaux. Mettre à l’épreuve notre méthodologie. Apprendre à manier les outils de gestion de base de données (Access, Excel). Et appliquer tout cela à des sujets qui parleront forcément à nos concitoyens : qui oserait dire qu’une enquête sur la santé en France (les hôpitaux, les maisons de retraite, les infirmières), plus ambitieuse que le simple reportage, ne trouverait pas d’écho ?

Quand la presse spécialisée se saisit des chiffres

Il ne s’agit pas de vœux pieux. Il est possible de s’y mettre, même modestement. J’ai par exemple réalisé (poussé et guidé par mon rédacteur en chef de l’époque  et avec l’aide de collègues) il y a quelque temps trois enquêtes de ce type. L’une visait à dresser le portrait-robot des présidents d’université (âge, sexe, conditions d’élection, responsabilités antérieures…) au moment où le gouvernement leur accordait l’autonomie. Nous avons réitéré l’enquête un an après pour voir si des évolutions étaient à noter.
L’autre enquête, dans le même contexte de passage à l’autonomie, portait sur les moyens dont disposaient les universités. Nous avions calculé des ratios (qui ont d’ailleurs été débattus ensuite avec l’administration) éclairants sur un sujet d’intérêt général, l’éducation : taux d’encadrement par étudiant, budget par étudiant, poids des différents financeurs dans le budget des établissements…

Ce travail, fondé sur des données essentiellement publiques, a fait du bruit dans le landerneau, mais il est resté le fait d’une publication spécialisée. Pourquoi donc aucun journal, aucun magazine français ne tente-il jamais ce type d’investigation, si ce n’est sur des sujets éculés comme les classements salariaux, de grandes écoles… ?

La manipulation de chiffres et de données sérieuses nous ferait-peur ? Le recueil de témoignages et le commentaire de l’actualité seraient-ils des pratiques plus confortables ?

À moins que je ne sois passé à côté d’initiatives en ce sens en France ? Si oui, faites le moi savoir !

Article initialement publié sur Monjournalisme.fr sous le titre “Journalistes, les infirmières californiennes peuvent vous faire aimer les chiffres !”

Photo CC Flickr amayzun

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Séisme, mensonges et vidéo http://owni.fr/2010/01/20/seisme-mensonges-et-video/ http://owni.fr/2010/01/20/seisme-mensonges-et-video/#comments Wed, 20 Jan 2010 11:32:14 +0000 Aurélien Viers http://owni.fr/?p=7126 Intox, mode d’emploi. D’un côté, des individus réactifs et fin connaisseurs du web. De l’autre, des journalistes pressés et mal formés à la vérification en ligne. La vidéo présentée par des médias comme celle de “l’ambassade de France à Haïti pendant le tremblement de terre”, capturée à la va-vite sur des plateformes, passe pour un cas d’école.

Je suis – brrr – tout rouge de rage. Plusieurs médias auraient pu éviter de commettre une énorme bourde – aux conséquences désastreuses en terme de réputation.. Petite chronologie et analyse d’un cafouillage annoncé.

13 janvier 2010. Neuf heures du matin. Quelques heures après le tremblement de terre à Port-au-Prince, Citizenside reçoit une vidéo intitulée “Ambassade de France pendant le tremblement de terre à Haïti”. Nous diffusons tous les jours des images d’amateurs qui veulent participer à l’actu. Dès le premier visionnage, Matthieu Stefani et Philippe Checinski, cofondateurs de Citizenside, ont un très gros doute. “Quelque chose cloche”.

La séquence dure 57 secondes. Une caméra de surveillance, braquée sur des bureaux en open-space, semble capturer la sieste d’un chien.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Soudain, l’animal se lève et s’enfuit. Puis tout commence à tanguer. Un homme blanc, en t-shirt, de forte corpulence, s’échappe hors champ, non sans mal. Il est bientôt rejoint par ses collègues. L’image se brouille. Fin.

Nous échangeons nos impressions quand se produit un événement très, très étrange. Un tweet de Pascal Riché. Le cofondateur du site Rue89, évoque la même vidéo. Pour aussitôt émettre, lui aussi, des réserves.

La vidéo est cette fois diffusée sur Dailymotion. Mais aussi sur YouTube. Même pseudo, même titre, même date de publication, pendant la nuit (heure française) de la catastrophe en Haïti.

Vraiment intrigant. J’enquête.

Première interrogation : cette vidéo était-elle déjà en ligne avant même les premières secousses à Port-au-Prince? En moins de dix minutes, avec des moteurs de recherche classiques, je reconstitue l’histoire et en détermine l’origine. La séquence date du 9 janvier – soit trois jours avant la catastrophe en Haïti.

La scène se passe pendant un tremblement de terre dans le nord de la Californie. Notre manipulateur s’est contenté de zoomer sur l’image pour effacer la date d’origine, comme le note un autre journaliste de Citizenside, Nicolas Filio.

Le chien appartient à un couple d’employés d’un journal, le Times Standard, qui ont diffusé la vidéo sur YouTube. Le succès est immédiat : le flair du chien, qui aurait pressenti les secousses, fait le bonheur des internautes à travers le monde, qui la partagent ou la recopient. Partout. Même CNN tombe sous le charme et diffuse la séquence.

Je ne suis pas un labrador, mais j’hume comme un parfum de poudre dans l’air. Il est tôt. La vidéo est bien titrée, bien “taguée”, avec des mots-clés comme “tremblement de terre”, “Haïti”, “France”. Tout pour ressortir dans les premiers résultats des moteurs de recherche. Les médias hexagonaux se réveillent tout juste.

Aucun envoyé spécial n’enverra d’images avant quelques heures aux rédactions. Autant de bêtes affamées sans pitance, qui vont se précipiter sur le web.

En face, un individu très réactif, qui inonde simultanément toutes les plateformes vidéos. Pour la petite histoire – renseignements pris – notre expert es-manipulation est un fonctionnaire émargeant…au ministère de la Défense (peut-être en mal d’occupation pendant ses congés?). Notre homme poussera parfois le vice jusqu’à se présenter sous le nom d’un diplomate travaillant effectivement à l’ambassade de France à Haïti.

J’émets vite une série de tweets pointant vers le site de CNN. Difficile de faire plus explicite. Malheureusement, tout le petit monde des médias n’est pas sur Twitter. Pire, tous ne suivent pas @aviers (séquence “smiley inside”).

Je ne m’arrête pas là et signale le problème de cette vidéo à YouTube et Dailymotion. Sans succès. J’écris au plaisantin via les commentaires (comme Rue89). Chou blanc : l’auteur se contente de les supprimer.

Mais la machine médiatique s’est réveillée, et doit nourrir des couvertures en direct sans beaucoup d’infos, et encore moins d’images. On évoque vite des milliers de morts. Je vois très vite la “fausse” vidéo diffusée sur le site d’un quotidien régional. J’appelle le rédacteur en chef. Le lien vers YouTube est aussitôt supprimé. Mais je ne peux pas prévenir tout le monde.

Je parie sur le bon sens des télévisions. Car il s’agit bien de bon sens.

Regardons la vidéo à nouveau. Un chien ? un homme blanc plutôt gras, habillé très, très décontracté ? Dans les locaux d’une ambassade ? Et vous en voyez souvent, des vidéos de surveillance tournées dans l’enceinte d’une représentation officielle à l’étranger ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Donc, le chargé de la sécurité aurait recopié la vidéo (relevant du secret défense) sur son ordinateur, coupé la séquence en ouvrant un logiciel de montage, avant de l’envoyer sur différentes plateformes en ligne ? Sans crainte de se faire prendre et de perdre son emploi? En pleine panique? Alors que l’ambassade de France est aussi touchée par le séisme? Tsss. Tss. Et re-tsss.

13 janvier 2010. 20H30. Bilan des dernières heures : France 3 a présenté la vidéo de notre “ambassade” dans trois éditions. Autres belles prises dans le filet de notre manipulateur : la chaîne d’info BFMTV (qui retire vite la vidéo de l’antenne), qui s’est elle-même fournie auprès du service vidéo de l’AFP. L’Agence s’aperçoit relativement rapidement de son erreur, mais le mal est fait (Citizenside compte parmi ses actionnaires l’AFP, séquence honnêteté).

L’erreur est humaine. Personne n’est infaillible. La fatigue, la pression aidant, un journaliste peut rapidement commettre une erreur.

Je reste étonné par le cas France 3. Trois éditions, jusqu’à 19h30? Avec autant de rédacteurs en chef, de chefs d’édition, de présentateurs ? …

Question : ce cafouillage pouvait-il être évité? Oui. Pour des questions de bon sens. Mais aussi parce que d’autres journalistes, plus à l’aise avec le web, ont flairé la supercherie.

Tout comme certains internautes, qui ont repéré et capturé l’erreur des chaînes en direct.

Les journalistes manquent de formation. A la vidéo en ligne. Au web 2.0. Maîtrisent mal Google. Je n’écris pas ces mots uniquement parce que je suis également formateur (re-séquence honnêteté). Mais je vois trop de rédacteurs, vieux loups de mer, dénigrant “l’Internet” avant de se précipiter sur YouTube pour y pêcher des poissons en plastique.

Je suis toujours étonné de voir des directeurs de rédaction s’interroger sur l’opportunité et l’urgence de mettre à niveau leur troupe sur la recherche en ligne, la vérification des documents amateurs.

Journalistes, rédacteurs en chef, formez-vous. Ou trompez-vous.

MAJ 18/01/2010 : M6 bat le record toutes catégories, en diffusant cette même vidéo le dimanche 17 janvier 2010, soit quatre jours après la révélation de l’affaire par Rue89.com, LePost.fr, etc. A lire sur Arrêt sur Images

» Article initialement publié et commenté sur “Après la télé”

» Illustration de Une par Stuck in Customs sur Flickr

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http://owni.fr/2010/01/20/seisme-mensonges-et-video/feed/ 1
MiMOOo ou la migration OpenOffice.org de l’administration publique en questions http://owni.fr/2009/11/17/mimooo-ou-la-migration-openofficeorg-de-ladministration-publique-en-questions/ http://owni.fr/2009/11/17/mimooo-ou-la-migration-openofficeorg-de-ladministration-publique-en-questions/#comments Tue, 17 Nov 2009 10:46:47 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=5509 « MimOOo » vous connaissiez ? Nous non plus ! Cherchons alors ensemble à en savoir davantage, parce que cela en vaut la peine…

MimOOo est l’acronyme de ce qui se présente comme un beau projet institutionnel français signifiant Mutualisation Interministérielle à la Migration OpenOffice.org.

Laissons une Sophie Gautier enthousiaste nous le présenter plus avant sur son blog : « MimOOo ou quand l’administration s’organise comme l’open source ! Ce groupe de travail interministériel a mis en place une véritable stratégie de migration à OOo. Depuis un peu plus d’un an, les différents ministères se rencontrent régulièrement pour définir des statégies communes, partager outils et problématiques. S’inspirant des techniques de mise en commun des projets de développement, MimOOo a ainsi optimisé sa migration à travers le partage des expériences et des savoirs ».

Cette citation date d’avril 2007. On peut donc en déduire que Mimoo existe depuis au moins avril 2006, c’est-à-dire depuis un certain temps déjà.

MimOOo Box

Hypothèse corroborée par cette dépêche tout aussi enthousiaste de LinuxFr du mois de septembre 2006, titrée La plus grosse migration OpenOffice.org au monde : 400 000 postes dans l’administration française, et ainsi présentée : « Courant 2007, l’administration centrale française (essentiellement les ministères) va voir 400 000 de ses postes informatiques migrer vers la suite bureautique OpenOffice.org et le format ouvert OpenDocument, ce qui constitue actuellement la plus grosse migration vers OpenOffice.org au monde. Le groupe de travail interministériel responsable de ce déploiement met à disposition des administrations de nombreux outils : cédérom interministériel d’installation d’OpenOffice.org[1], mallette pédagogique, formation en ligne, pack de communication, outils d’accompagnement, mémentos, guide, etc. »

On retrouve donc notre groupe de travail interministériel. Mais problème : les deux principaux liens proposés par la dépêche (Le programme de migration et Communauté assistance OpenOffice.org) sont aujourd’hui inaccessibles.

MimOOo en (toute) discrétion

Parce qu’il se trouve justement que malgré son bel âge nous ne disposons aujourd’hui que de trop rares et déjà anciennes informations publiques sur le projet.

Il ne subsiste en effet aujourd’hui qu’un petit encart dans une brochure sur la modernisation de l’État (page 2 – avril 2007), mais surtout cet article de présentation, sur le site gouvernemental des Ateliers de la modernisation, dont le titre interpelle par son optimisme (alors que la dernière mise à jour date de septembre 2006) : Poste de travail : les clés d’un projet réussi.

Article qui vient confirmer les informations précédentes avec des citations comme : « Le projet de par sa nature induisait une démarche de mutualisation. En effet, la notion de logiciel libre est étroitement liée à un idée de partage des ressources, des connaissances : un état d’esprit qui se prête au travail collaboratif. »

Et depuis plus rien. Point de bilan et perspectives à l’instant t et aucune trace des « cédérom interministériel d’installation, mallette pédagogique, formation en ligne, pack de communication, outils d’accompagnement, mémentos, guide, etc. ».

Alors, trois ans plus tard, où en sommes-nous ? Telle est la légitime question qui en appelle plusieurs autres dans le détail.

Cette absence d’informations publiques signifie-t-elle qu’à ce jour le groupe hiberne et que la migration OpenOffice.org est au point mort dans l’administration publique ?

Assurément non. Elle signifie simplement que nous les administrés ne sommes pas en mesure d’évaluer les avancées du projet. Elle signifie également que nous ne pouvons profiter des documents produits pour l’occasion sur OpenOffice.org, rétention dont nous ne sommes pas habitués lorsqu’il s’agit de logiciel libre. Elle signifie enfin que la collaboration avec la communauté francophone d’OpenOffice.org a dû être si ce n’est nulle tout du moins fortement limitée.

MimOOo en réunion

Nous pouvons de plus affirmer que MimOOo est une cellule toujours active.

En effet nous savons, de « source autorisée », que le groupe s’est réuni le 19 mai dernier. Lors de cette réunion, étaient présents des représentants des ministères suivants :

> Le ministère de l’Économie et du Budget

> Le ministère de l’Intérieur

> Le ministère de la Justice

> Le ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche

> Le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer

> La Gendarmerie Nationale

> Les services du Premier ministre

> La Caisse nationale des allocations familiales

> L’Assemblée Nationale

> L’École nationale d’administration

On remarquera quelques grands absents, à commencer par le ministère de… l’Éducation nationale ! On aurait pu s’attendre en effet à ce que ce ministère y siège en bonne place et y envoie un représentant compétent en la matière, ce dont la maison ne manque pas.

MimOOo en question(s)

À partir de là, voici une liste non exhaustive de quelques questions que nous aimerions poser avant tout au groupe de travail MimOOo, mais également à l’Éducation nationale en passant par l’équipe francophone d’OpenOffice.org,

N’y voyez surtout pas une nouvel avatar de « la dictature d’Internet » qui souhaite mettre son nez partout. Et nous comprenons fort bien que certaines informations n’aient pas vocation ni intérêt à être diffusées publiquement. Nous, simples citoyens (et contribuables) en appelons juste à plus de transparence, puisque ce projet concerne l’administration publique en route vers une migration massive en logiciel libre et format ouvert.

Questions à MimOOo

> Quelle est la composition de ce groupe et sa gouvernance ? De quel département ce groupe est-il l’émanation ?

> Quelles sont ses prérogatives ? Est-il uniquement consultatif ? Est-il décisionnel au niveau des plans d’équipement et/ou de formation ?

> Qui sont les destinataires de ses conclusions ?

> Qui contacter pour obtenir des renseignements sur les travaux de ce groupe ?

> Y a-t-il eu d’autres réunions depuis ? Quelle est la fréquence de ces réunions ?

> Pourquoi MimOOo ne publie-t-il pas ses comptes rendus et ses débats en ligne ?

> Qu’en est-il aujourd’hui de cet ambitieux objectif de 400.000 postes sous OpenOffice.org affiché en 2006 ?

> Concerne-t-il toutes les administrations ou bien uniquement celles présentes à la réunion ?

> Qu’en est-il aujourd’hui de cette autre volonté affichée en 2006, celle de « migrer vers le formatOpenDocument » ?

> MimOOo a-t-il eu, ou tenter d’avoir, une influence quelconque dans l’élaboration de la toute récente nouvelle version du Référentiel général d’interopérabilité qui, d’après l’April, « sème la confusion en préconisant deux formats bureautiques concurrents » ? (cf le communiqué de l’April : RGI : le cadeau de François Fillon à Microsoft)

> Pourquoi un certain nombre de ressources créées en interne ne seraient-elles pas rendues publiques si elles sont susceptibles de profiter à toute la communauté ?

Question à l’Éducation nationale

> Qui est le représentant MimOOo du ministère de l’Éducation Nationale ? Comment le contacter ?

> De quels mandats ce représentant a-t-il été chargé par son ministère de tutelle ?

> Fait-on une distinction entre la migration de l’informatique pédagogique (les postes des élèves et des enseignants) et la migration de l’informatique administrative (les postes de la direction, de l’intendance, etc.) ?

> L’absence remarquée à la réunion du 19 mai est-elle ponctuelle ou permanente ?

Questions à OpenOffice.org

> Quelle relation le projet francophone OpenOffice.org entretien-t-il avec MimOOo ?

> Le projet francophone OpenOffice.org offre-t-il assistance et expertise à MimOOo ? Intervient-il dans les réunions, les formations ?

> En retour, MimOOo (que l’on peut assimiler ici à un « grand compte public ») fait-il remonter les remarques, avis, critiques, problèmes rencontrés lors du déploiement ? Donne-t-il accès aux ressources évoquées ?

Questions à la cantonade

> Est-il normal qu’une structure telle que MimOOo, pour rappel composée exclusivement de fonctionnaires, soit si discrète dans son action, sa communication et la diffusion de ses ressources créées en interne ?

En espérant, sait-on jamais, que tout ou partie des questions trouveront réponse dans les commentaires. Parce que « la plus grosse migration OpenOffice.org au monde », mine de rien, ça n’est pas rien.

Notes

[1] C’est l’image virtuelle de la boîte de ce cédérom qui sert d’illustration à ce billet.


»  Article initialement publié sur Framablog

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