OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Comment le Royaume-Uni renouvelle son éducation aux sciences http://owni.fr/2011/06/15/comment-le-royaume-uni-renouvelle-son-education-aux-sciences/ http://owni.fr/2011/06/15/comment-le-royaume-uni-renouvelle-son-education-aux-sciences/#comments Wed, 15 Jun 2011 11:39:59 +0000 Marion Sabourdy http://owni.fr/?p=35235 La main à la pâte. De son côté, le Royaume-Uni a lancé le National Science Learning Centre. Sir John Holman, son ancien directeur, nous le présente.]]> Du 6 au 8 mai derniers se tenait à Bruxelles la première conférence Scientix . Au programme : présentations, posters et rencontres autour de l’éducation scientifique en Europe. Entre deux tweets , nous avons interviewé Sir John Holman, un des hommes les plus actifs du Royaume-Uni dans ce domaine.

Quel est votre parcours ?

Je suis professeur dans le département de Chimie de l’Université de York (Royaume-Uni), mais ma spécialité principale est l’éducation aux sciences. J’ai été également directeur d’école pendant plusieurs années [ainsi que conseiller auprès du gouvernement britannique et concepteur de programmes scolaires]. En 2004, j’ai lancé le « National Science Learning Centre » [Centre national d’apprentissage des sciences] qui est dédié à la formation des enseignants de sciences. Je l’ai dirigé depuis son ouverture et viens tout juste de quitter ce poste.

Qu’elles sont les spécificités du « National Science Learning Centre » (NSLC) ?

Le NSLC est un genre différent de centre de sciences. Contrairement à la Cité des Sciences, à Paris, qui touche directement les enfants et leurs parents, notre centre n’est pas ouvert aux jeunes. Il permet aux enseignants en sciences (biologie, physique, mathématiques…) de primaire et de secondaire de tout le Royaume-Uni de venir se former professionnellement et ce, gratuitement. De ce que j’en sais, notre centre est le seul de ce genre en Europe. Et c’est également le plus gros. Il a coûté environ 40 millions d’euros pour l’installation et accueille 5000 enseignants par an en moyenne, encadrés par 60 personnes.

Quelle formation proposez-vous aux enseignants ?

Prenons l’exemple d’un groupe de professeurs de physique. Pour suivre une de nos formations, ceux-ci se déplaceront pendant trois jours dans notre centre. Nous disposons de notre propre hôtel et de notre propre restaurant. Pendant ce séjour, nous leur présenterons un aperçu des recherches en cours (par exemple les activités du CERN ou le domaine de la physique des particules). Ils suivront également des sessions sur les nouvelles expériences qu’ils peuvent présenter à leurs étudiants. L’idée est qu’ils « piquent » quelques bonnes idées pour compléter leur enseignement.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ensuite, ils rentrent dans leur école et mettent en œuvre un projet, avec leurs propres élèves, basé sur ce qu’ils ont vu chez nous. Deux ou trois mois plus tard, les enseignants reviennent dans le centre pour une nouvelle session de deux jours où ils évoquent ensemble leurs projets respectifs et suivent de nouveaux cours et ateliers. En tout, ils passent donc cinq jours ensemble. C’est très intense et finalement assez long, comparativement aux sessions classiques de formation d’une demi-journée ou d’un soir. Cette formation leur donne une expérience véritablement forte, qui marque le reste de leur carrière.

Qui peut suivre ces formations ?

Le NSLC est ouvert à tous les professeurs de sciences du Royaume-Uni. Nous accueillons aussi bien des enseignants de biologie, que de physique, de chimie ou de géologie… La plus grande difficulté vient parfois de la réserve de certains directeurs d’établissement, qui n’aiment pas trop laisser venir leurs professeurs. En effet, pendant ce temps, la classe doit être gérée par quelqu’un d’autre et cela peut poser problème. Le NSLC, centre national, est situé dans l’Université de York mais il en existe également dans les neuf régions d’Angleterre .

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comment avez-vous monté ce projet ?

En 2001 se sont tenues les élections législatives au Royaume-Uni. Dans ce cadre, chaque parti a produit un manifeste. Le « Labour Party » [Parti travailliste de Tony Blair] a indiqué dans le sien la volonté d’établir un tel centre pour l’éducation aux sciences. Ce parti a finalement gagné les élections et tenu ses promesses. Pour ce faire, ils se sont associés avec le Welcome Trust, une très grosse fondation qui brasse des milliards d’euros. Le gros de leur activité concerne la recherche médicale (malaria, VIH, santé mentale…). Cette fondation a réalisé que si nous voulons une recherche de bonne qualité, il faut de bons scientifiques et donc de bons professeurs. Ils ont décidé d’investir 25 millions de livres sterling [un peu moins de 30 millions d’euros] dans ce projet.

Le gouvernement et cette fondation ont alors lancé un appel d’offre auprès d’universités pour construire un tel centre. Nous – l’Université de York – avons remporté cet appel d’offre avec les universités de Leeds et de Sheffield, toutes situées dans le comté du Yorkshire. Nous avons utilisé 11 millions de livres [environ 13 millions d’euros] pour construire le bâtiment et le reste pour engager des gens et payer la venue des enseignants pendant les cinq premières années.

Comment avez-vous financé le centre après ces cinq ans ?

Après ces débuts, nous avions besoin d’environ 30 millions de livres [35 millions d’euros] supplémentaires pour poursuivre notre action sur cinq nouvelles années. Nous avons décidé de nous tourner en partie vers l’industrie, en rencontrant les responsables de dix firmes scientifiques ou techniques, comme Rolls-Royce, British Petroleum, GlaxoSmithKline, AstraZeneca, Vodafone… Nous leur avons présenté notre projet et demandé un million de livres chacune, sur cinq ans. Le Welcome Trust a ensuite accepté de compléter ces 10 millions de livres avec 10 autres millions, tout comme le gouvernement. Heureusement, cette recherche de fonds a eu lieu juste avant la crise. Je pense que nous ne pourrions pas le refaire à l’heure actuelle. Ce partenariat entre le gouvernement, une fondation importante et de grandes industries prouve en quoi l’éducation aux sciences est importante.

Le partenariat avec les industries est-il seulement pécuniaire ?

Non. Les bonnes relations avec l’industrie sont bien plus importantes que l’argent. Par exemple, une industrie comme Rolls-Royce peut nous fournir des exemples récents d’ingénierie que nous pouvons présenter aux enseignants en formation. Ils peuvent également envoyer des ingénieurs et des chercheurs dans les écoles. De plus, ils décernent un important prix, d’une valeur de 15 000 livres [17 000 euros], le « Rolls Royce Science Prize » destiné aux enseignants qui proposent les meilleurs projets d’enseignement scientifique.

Que recherchez-vous dans une conférence comme celle de Scientix ?

J’ai été invité par « European Schoolnet » pour une intervention sur l’importance de l’éducation aux sciences en Europe et la manière dont nous pouvons l’améliorer. De la conférence Scientix, j’espère tirer de bonnes idées et faire des rencontres. Je suis particulièrement intéressé par les nombreuses activités développées en Europe de l’est. Ces nouveaux membres de l’Union européenne ont vraiment de très bonnes idées. Le niveau des sciences et des maths y est très élevé. La Hongrie, par exemple, a quelques-uns des meilleurs mathématiciens du monde. L’intérêt de cet événement est qu’il semble attirer des gens qui ne vont pas en général aux conférences internationales. Connaissez-vous l’expression « usual suspects » ? Elle désigne les gens que vous rencontrez tout le temps. Ici, j’ai croisé des habitués bien sûr, mais aussi et surtout des jeunes.

Pourquoi se focaliser sur les enseignants et non les chercheurs ou les ingénieurs ?

Beaucoup de chercheurs considèrent l’éducation aux sciences comme secondaire. Ceux qui comprennent l’importance de l’éducation sont très rares, comme par exemple le français Pierre Léna, à l’origine du programme La Main à la Pâte. Dans les industries, le problème se pose d’une manière différente. Les ingénieurs, notamment les plus jeunes, sont très concentrés sur leurs objectifs car le profit l’emporte. C’est très dur pour eux de dévier de l’objectif qu’on leur a assigné, surtout s’ils viennent juste d’intégrer une société ou s’ils ont une jeune famille et beaucoup d’engagements. Ceux qui s’intéressent néanmoins aux problématiques d’enseignement ont besoin de chefs particulièrement ouverts ou bien sont très actifs lors de leurs temps libre. C’est peut-être plus facile pour les ingénieurs plus âgés, mais nous avons besoin de jeunes, et surtout des femmes, pour jouer le rôle d’ambassadeurs dans les écoles. Grâce à eux, les jeunes se disent : « ils sont jeunes, dynamiques et… ingénieurs ! Wahou ! Ce ne sont pas des genres de nerds ».

Qu’est-ce que les enseignants ont de plus que les chercheurs et ingénieurs, pour toucher les jeunes ?

Les professeurs sont ceux qui parlent directement aux personnes qui apprennent. Chacun peut toucher la vie d’une centaine de jeunes gens. Les professeurs d’université ne sont pas les plus accessibles, mais tant pis. Je crois que le futur réside dans les mains des enseignants du primaire et du secondaire. J’ai moi-même été enseignant au secondaire pendant plus de 30 ans. J’ai eu l’opportunité de parler de mes projets dans une trentaine de pays sur plusieurs continents avec des gens passionnants. J’ai envie que des jeunes gens brillants comme ceux qui sont présents ce weekend, puissent avoir ces opportunités d’apprendre des autres pays et de propager leurs propres idées.

Les ingénieurs sont importants mais nous gagnerons plus à nous concentrer sur les professeurs et rendre ce secteur plus professionnel. Beaucoup de pays ne valorisent pas vraiment leurs enseignants. Ils n’ont pas un statut social très élevé. Pourtant, c’est la prochaine génération d’enseignants et d’activistes qui est importante car un tel projet se déroule sur 50 à 100 ans. Ce n’est pas quelque chose qui se met sur pied en 10 ans. Le challenge va devenir de plus en plus important pour former les scientifiques dont nous avons besoin.


>> Illustrations : portrait de Sir John Holman en CC by-sa par Scientix, autres photos sur Flickr, licence CC CARLOS62 Argonne National Laboratory, Scott Hamlin

>> Propos recueillis avec Stéphane Nai-Im Tholander

>> Article initialement publié sur Knowtex sous le titre Sir John Holman : l’éducation aux sciences est critique pour le futur de l’Europe

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Valeurs républicaines: petit inventaire avant liquidation http://owni.fr/2011/01/28/valeurs_republicaine_services_publics_liquidatio/ http://owni.fr/2011/01/28/valeurs_republicaine_services_publics_liquidatio/#comments Fri, 28 Jan 2011 08:46:34 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=37820 15 mars 1944. Une bande de punk-à-chiens anarcho-autonomes, élevés dans l’abondance et n’ayant jamais connu de privations réclame et instaure :

La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

13 Janvier 2011. Jean-François Mancel, député UMP qui fut aussi administrateur civil de la fonction publique au ministère de l’Équipement, soumet à l’assemblée nationale une proposition de loi « visant à réserver le statut de la fonction publique aux agents exerçant une fonction régalienne ». On peut y lire ceci :

Tout d’abord, cela contribuerait à dynamiser les domaines non régaliens actuellement englobés dans la fonction publique. En effet, la généralisation du contrat de travail de droit commun permettrait une meilleure prise en compte du mérite ainsi qu’une meilleure gestion des ressources humaines (…). Cette nouvelle flexibilité nourrirait une dynamique d’enrichissement réciproque des deux secteurs. (…) À l’heure où le Gouvernement a décidé de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une telle mesure viendrait renforcer la volonté de rationalisation des dépenses de l’État.

Le 7 Janvier 2011, Christian Jacob, Ministre de la Fonction publique du gouvernement Dominique de Villepin (du 2 juin 2005 au 15 mai 2007), avait déjà réclamé « la fin de l’emploi à vie des fonctionnaires ».

Une fonction publique essentielle mais pas régalienne

Les trois fonctions publiques (d’état, territoriale et hospitalière) ont joué un rôle déterminant dans l’accomplissement du programme du conseil national de la résistance.

Comme universitaire, comme chercheur et comme enseignant, j’appartiens à la fonction publique d’état. L’école, l’enseignement, l’apprentissage, la formation ne font clairement pas partie des missions que l’on qualifie habituellement de régaliennes.

Ainsi donc tout comme les médecins, les infirmières et tant d’autres, les universitaires, les chercheurs, les enseignants, de la maternelle à l’université pourraient donc, demain, ne plus faire partie de la fonction publique.

Pourtant le rôle qu’ils jouent dans « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents » me semble incontestable tout en restant notablement perfectible.

Le 7 décembre 2007, pour la première fois dans l’histoire de la république, son plus haut représentant indique que :

Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance.

Troquer les valeurs de la Résistance contre celle de la Rentabilité

9 Brumaire 1794. Le 9 brumaire an III, la Convention décréta

qu’il serait établi à Paris une École normale, où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner.

Ainsi fut créée l’Ecole Normale Supérieure.

18 Janvier 2011. Stephane Hessel, membre de la sus-mentionnée bande de punk-à-chiens anarcho-autonome ne pourra pas s’exprimer à l’école normale supérieure. La ministre de l’enseignement supérieur est personnellement intervenue pour l’en empêcher.

Jamais. Jamais gouvernement n’aura mené aussi loin la destruction minitieuse, méticuleuse, idéologique, affairiste du socle républicain. L’ensemble des services de la fonction publique (école, hôpitaux, accès aux soins, etc.) sont depuis déjà bien des années laminés au nom de principes d’économie, d’efficience, de rentabilité dont chacun observera aisément qu’ils n’ont réglé aucun des problèmes auxquels ils étaient supposé répondre. Peut-être serait-il temps d’en tirer toutes les conclusions.

Echos. Deux écoles. Deux logiques. Deux ambitions. Mais depuis plus de 50 ans, les mêmes « banques », « compagnies d’assurance », « crise(s) financière(s) ».

1. « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques » ; (programme du CNR, 15 Mars 1944)

2. « cette proposition de loi s’inscrit dans une logique d’égalité et de réconciliation au sein de la société française à l’heure où les différences entre le secteur public et le secteur privé apparaissent plus que jamais injustes aux yeux de nombre de nos concitoyens, particulièrement suite à la grave crise financière que nous venons de traverser. » Proposition de loi de J.-F. Mancel, 13 Janvier 2011.

Les lignes de fracture n’ont jamais été aussi nettes.

2012. J’ignore combien s’en indigneront. La république comme bien commun. La fonction publique comme une assurance, une garantie collective. Comme un lien. J’espère que beaucoup s’en souviendront.

Illustration CC Flickr Alexandre Moreau et Cmoiln
Billet publié initialement sur Affordance sous le titre S’indigner peut-être. Se souvenir, sûrement

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http://owni.fr/2011/01/28/valeurs_republicaine_services_publics_liquidatio/feed/ 7
Promouvoir le logiciel libre dès la maternelle http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/ http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/#comments Thu, 20 Jan 2011 12:30:29 +0000 Simon Descarpentries (Framablog) http://owni.fr/?p=43139 Il y a quelques temps nous recevions une question fort pertinente via le formulaire de contact du Framablog. Une question du genre de celles dont on n’improvise pas la réponse dans la foulée, et il arrive alors que les réponses se fassent attendre un moment. Toutefois, les réponses une fois construites peuvent valoir le coup d’être partagées… [1]

Le plus facile, en matière de réponses, est de demander à ceux qui savent. Et les forums sont là pour ça. Mais pour aider dans le processus, la piqûre de rappel est un instrument qui se révèle efficace, et ainsi, le jeune père d’élève dont émanait la question, croisé samedi dernier au cours de l’une des nombreuses manifestations d’opposition à la LOPPSI qui animèrent le pays, en usa avec talent…

Pour la petite histoire, c’est un candidat aux élections de parents d’élèves de son école qui posa la question et c’est entre autre à un élu que s’adresse cette réponse, avec toutes nos félicitations et nos encouragements.

La question se présentait de la manière suivante :

Bonjour
Je vais me présenter aux élections de parents d’élève pour ma fille de 3 ans, en maternelle des petits. J’ai souvent lu des articles très intéressants sur le libre à l’école dans le Framablog et je suis moi même pirate et libriste. Je me demande si vous pourriez me conseiller sur, au niveau maternelle des petits, quels sont les actions que je pourrais tenter et sensibilisations que je pourrais entreprendre au niveau de l’école et de la municipalité, depuis ce poste de représentant des parents d’élèves. […]

La réponse que nous avons à lui fournir, dans la droite lignée de la catégorie Éducation de ce blog, émane d’un directeur d’école et animateur TICE. Il l’a découpée en quatre volets que voici.

Des difficultés

À l’école, l’informatique pour les élèves ce sont les TICE (Technologie de l’Information et de la Communication à l’École) parfois appelées TUIC (« U » pour « usuelle »).

Eh bien les TICE, le matériel informatique, ne sont plus mentionnés pour le cycle maternel dans les programmes 2008 de l’Éducation Nationale. Pas interdits, mais pas mentionnés : même pas comme exemple de support d’écrit.

Le niveau de maîtrise de l’outil informatique est très inégal parmi les enseignant(e)s de maternelle.

La dotation en matériel, pour les écoles maternelles et élémentaires, est du ressort de la municipalité. Les écoles maternelles sont souvent les parents pauvres en matière d’équipement informatique : souvent un poste pour la direction d’école… et c’est tout. Les parents d’élèves peuvent apporter leur concours en trouvant du matériel de récupération.

Des aides

Une remarque préalable : les enseignant(e)s sont responsables de leur pédagogie. On peut les aider, voire les inciter, mais en aucun cas les contraindre à faire utiliser l’outil informatique par les élèves.

Le mode de fonctionnement de la plupart des classes maternelles (en ateliers à certains moments) est favorable à l’utilisation de postes, par petits groupes, parmi d’autres activités. Il est nécessaire que le matériel soit fiable, et que les logiciels soient adaptés pour permettre rapidement une autonomie des élèves à cet atelier.

Dans de nombreuses circonscriptions, il existe un animateur TICE : un enseignant partiellement détaché. Parmi ces missions, il doit apporter son concours aux enseignants désirant mettre en œuvre une pédagogie utilisant les TICE. Il serait judicieux de se rapprocher de lui.

Il existe des packs logiciels (regroupant système d’exploitation et logiciels ludo-éducatifs) très bien conçus, et utilisables dès la maternelle à l’école ou à la maison. Ils se présentent sous forme de live-CD (on fait démarrer la machine sur le lecteur de cédérom) et on est assuré que les données contenues sur le disque dur ne risquent rien. Pratique pour l’ordinateur familial. On peut aussi les copier sur une clé USB, et la rendre amorçable [2]. On peut enfin les copier sur le disque dur à la place du système d’exploitation déjà existant (intéressant dans le cas d’une vieille machine un peu à bout de souffle).

Des réalisations très intéressantes

Il existe aussi la version monoposte d’AbulEdu (notice Framasoft), l’excellent FramaDVD École (page projet) et enfin de très nombreuses applications pédagogiques libres fonctionnant sous Windows.

Une remarque pour finir

Il me semble très maladroit de se présenter comme «  pirate et libriste ». Ça ne peut que renforcer la confusion dans l’esprit de certains, qui assimilent les deux termes. Ça ne peut que rendre plus difficile votre démarche d’aide aux équipes enseignantes.

Soyons clairs : le piratage à l’école… on n’en veut pas.

Pour des raisons éthiques : nous avons une mission d’éducation civique et morale. Tricher, voler, utiliser des logiciels piratés est en contradiction totale avec une démarche éducative.

Item 2.3 du Brevet Informatique et Internet (B2i)
Si je souhaite récupérer un document, je vérifie que j’ai le droit de l’utiliser et à quelles conditions.

Pour des raisons militantes : on sait bien que les pirates de logiciels font le jeu des maisons d’édition en renforçant la présence de leurs produits, en les rendant plus utilisés, donc plus désirables.

Soyons fiers des logiciels libres !

Article initialement publié sur Framablog.com

Crédits photo Flickr CC : Stéfan / _O2_ / harry.f

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Les 35 heures à l’école, une copie à revoir… http://owni.fr/2011/01/07/les-35-heures-a-ecole-une-copie-a-revoir-education-nationale-prof-enseignement/ http://owni.fr/2011/01/07/les-35-heures-a-ecole-une-copie-a-revoir-education-nationale-prof-enseignement/#comments Fri, 07 Jan 2011 16:14:04 +0000 Mathieu L (Les privilégiés parlent aux Français et au Monde) http://owni.fr/?p=37496 La passion du moment pour les 35 heures ne s’affaiblissant pas, on polémique à droite comme à gauche. Chacun y va de son petit mot, qu’il soit lambda ou élu et le tout au sein d’une joyeuse allégresse qui pourrait ouvrir le débat. Dans le texte, les 35 heures. Et dans les faits, bien autre chose.

Estimation complexe: calcul d’un temps de travail basé sur celui de 1950

Dernièrement, le temps de travail des enseignants a largement occupé les médias. Le PS, dans ses récentes propositions, a repris l’idée de Ségolène Royal et proposé un réaménagement de notre temps de travail. La droite expérimente la hausse du travail par la suppression des personnels, obligeant les autres à travailler et anime un grand débat sur les vacances qui suscite de nombreuses réactions dans la profession mais aussi dans les lobbies touristiques. Estimer le temps de travail réel qu’on utilise est réellement très compliqué. Cela doit être simple pour un salarié utilisant une pointeuse. Pour moi, je ne peux me baser que sur des estimations, forcément très personnelles et forcément très subjectives.

En théorie, notre boulot s’appuie sur différentes missions. Nous devons donner un certain nombre d’heures de cours en fonction de notre statut (15 heures ou 18 heures). Nous devons fournir des cours de qualité durant ces heures, s’appuyant sur la recherche universitaire actualisée (pas celle du moment où nous faisions nos études) et nous devons participer à toute une série d’examens, soit dans nos classes, soit dans des examens divers comme le brevet ou le bac. Notre temps de travail est calculé sur le temps de travail de 1950, qui était de 43 heures pour les salariés de l’époque. Pour moi qui suis agrégé, cela signifie que je suis censé travailler 2,86 heures pour une heure de cours effective. Nous avons de plus un certain nombre de semaines de vacances (j’exclus l’été car nous ne sommes pas payés sur cette période) durant lesquelles on travaille toujours un peu, mais évidemment bien moins que durant les 36 semaines de cours. Personnellement, je travaille beaucoup pendant les vacances de la Toussaint et celle de février, nettement moins en avril et quasiment pas durant les vacances de Noël.

Dans la pratique, c’est encore pire

J’avais estimé utiliser, en fonction des semaines travaillées, entre 30 et 45 heures. Ces variations importantes sont liées à l’organisation de l’année scolaire. Je travaille bien plus en début d’année (je prépare tous mes cours en les adaptant aux classes que je viens de découvrir) ou durant les périodes de conseil de classe et au moment des examens. Par exemple, une période assez calme est le mois de mai. On a tellement préparé de cours et on est tellement en retard sur le programme qu’on n’a plus grand-chose à faire en dehors des corrections.

Lorsqu’on interroge les collègues sur le sujet, ils affirment travailler beaucoup. Le billet de Cycee de ce matin en est un excellent exemple.

Tous les profs vous diront que « c’est de plus en plus dur », que « les vacances sont encore loin » ou que « y en a marre de ce boulot lourd et si mal payé ».

En fait, quand on creuse, on constate que deux choses émergent nettement : ce sont finalement les heures de cours devant élèves qui sont citées comme étant réellement le moment usant du travail, surtout dans les bahuts difficiles, en particulier les collèges, et les enseignants ont le sentiment qu’on leur rajoute sans arrêt toute une série de trucs inutiles et sans intérêt, que ce soit dans les cours ou hors des cours, qui les éloignent de leur mission centrale qui est déjà assez difficile comme cela.

Responsabilités, propositions et bases de discussion

La droite est clairement vu comme responsable de cette dégradation : les suppressions de poste ont amené à une nette hausse des heures supplémentaires, certes bien payées, mais qui ont alourdi nettement la charge de travail. Elle a aussi contribué à toute une série de décisions qui n’ont cessé de faire penser aux profs qu’ils étaient mal considérés et qu’ils faisaient un peu tout et n’importe quoi.

Les propositions du PS ne sont pas vraiment mieux passés. Les socialistes proposent une diminution des heures de cours et une revalorisation salariale pour continuer à faire des économies en supprimant de nombreuses professions comme les surveillants, les conseillers d’orientation ou les CPE : les profs devraient ajouter bien d’autres missions à leurs arcs.

Je ne sais pas ce que souhaitent vraiment les profs, mais il y aurait deux bases pour discuter je pense :
- que les changements dans notre temps de travail fassent du bien aux élèves (ce qui n’est pas le cas en ce moment, regardez les résultats de PISA),
- que ces changements donnent l’impression (au moins) que l’on prend en compte le fait que notre travail premier (donner des cours) est important pour la société.

Si on s’appuie là-dessus, on pourra discuter. Sinon…

Article initialement publié sur Les privilégiés parlent aux Français et au Monde sous le titre Parlons sérieusement du temps de travail: et les profs?

Photos Flickr CC Alain Bachellier, USNationalArchive

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http://owni.fr/2011/01/07/les-35-heures-a-ecole-une-copie-a-revoir-education-nationale-prof-enseignement/feed/ 5
L’éducation musicale en France: une partition discordante http://owni.fr/2010/09/26/leducation-musicale-en-france-une-partition-discordante/ http://owni.fr/2010/09/26/leducation-musicale-en-france-une-partition-discordante/#comments Sun, 26 Sep 2010 10:11:29 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=29575 Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

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“Il faut reconnaître que nous avons un réel retard sur nos voisins dans le domaine de la pratique et de la culture musicale” Christine Albanel.

Ce retard, même avec une première dame musicienne, n’a pas l’air de préoccuper monsieur.

“Le français n’est pas une langue qui chante.”

“Tais-toi, tu chante faux.”

“Un peu de silence s’il vous plaît, il est 22 heures.”

“Ah, c’est un artiste…”

Tant de réflexions qui contribuent à perpétuer une culture sans son ou du moins, produisant peu de musique de qualité. Les bienfaits de la musique ont pourtant été démontrés par diverses études mais la tradition fait qu’on continue de la dénigrer.

Je suis agacée par ce manque de considération qui conduit nos artistes à s’expatrier et nos enfants à se taire. J’ai moi-même passé une partie de mon enfance en Angleterre. Je me souviens des cours de musique et surtout, je me souviens de la joie que nous éprouvions moi et mes petits camarades lors de ces cours. Quand, à l’âge de 7 ans, j’ai déménagé avec mes parents en France, la musique n’était pas du tout perçue de cette manière par mes nouveaux amis. J’ai peu de souvenir du contenu de mes cours en Angleterre et aucune étude n’a été effectuée sur moi pour que je me rende compte de ce que cette pratique m’a apporté mais je me souviens clairement de cette sensation de bonheur partagé.

En France, en revanche, je me souviens de la souffrance éprouvée lorsqu’on essayait de m’apprendre qu’une boule noire surmontée d’une barre était une noire et qu’il y en avait quatre comme celle-ci dans une mesure à quatre temps. Ensuite, au collège, des profs débordés par le son des pipos (flûtes à bec) dont l’apprentissage donnait lieu à une cacophonie insupportable et ingérable.

Pourquoi tant d’enfants détestent-ils la pratique musicale et tant d’adultes en garde de mauvais souvenirs ? Pourquoi, malgré les sommes considérables attribuées par l’État au développement de cette discipline, la France garde-t-elle si peu de musiciens de niveau international ? Je pense que l’Éducation nationale pourrait faire mieux pour nos enfants. Je crois que cette première approche de la musique mériterait plus de soin et d’attention. D’abord parce que l’apport de cette discipline va au-delà de celui d’une simple activité ludique et parce que ce retard dont Christine Albanel parle existe bel et bien ce qui crée un réel vide, pour ne pas dire manque dans l’héritage culturel que nous laissons à nos enfants.

En quoi l’apprentissage de la musique est-il indispensable à notre éducation ?

Si certaines personnes, chargées de rendre son importance à cette discipline me lisaient, ils me répondraient sûrement que place, considération et moyens financiers ont été donnés. Mais l’Éducation nationale, en rendant la musique obligatoire dans les filières générales, a surtout réussi à s’en débarrasser. Pourtant la musique, cette activité que l’on place entre 4 et 6 pour divertir les enfants lorsque leur quota de concentration est dépassé, est essentielle à notre éducation.

Dès l’Antiquité, de façon intuitive, Platon parle de musique dans des chapitres entiers de La République. Il évoque avec insistance la dimension sociale de la pratique musicale. Si les études sur la cognition ne convainquent pas nos élus, elle peut au moins admettre que la pratique musicale oblige à sentir de la même manière, à partager les mêmes

impressions. Elle permet “d’adoucir les moeurs”, de tempérer les passions haineuse ou de les amplifier, de rapprocher ou d’éloigner les hommes par un plaisir commun et cette puissance publique devrait s’étendre et être considérée par l’éducation nationale. Le rapport qu’elle crée entre la sensibilité et l’intelligence est unique et il est regrettable que nos responsables politiques préfèrent les actions aux effets immédiats plutôt que de faire l’effort de considérer une activité qui demande certes, temps et réflexion mais aux effets considérables et non négligeable à long terme. Si l’on souhaite rendre la France plus musicienne, il est évident qu’une sensibilisation massive à la musique doit être mise en oeuvre.

De nombreux chercheurs, souvent neurologues, scientifiques, sociologues et musicologue se sont penchés sur le mystère de la musique et ses bienfaits. En janvier 2007, un symposium européen se tient au Centre George Pompidou à Paris,  sur l’évaluation des effets de l’éducation artistique et culturelle. L’évaluation demeure complexe et la méthodologie utilisée demande une certaine concentration mais les résultats des expériences menées méritent qu’on y prête attention. Concernant la musique, plusieurs expériences ont été menées qui démontrent que l’apprentissage de la musique améliore le raisonnement spatio-temporel. Les personnes possédant cette forme d’intelligence particulièrement développée deviennent souvent architecte, sculpteur, ingénieur, designer, peintre, mathématicien, physicien…et musicien.

Une études menée en 1990 a testé trois groupes d’enfants de trois écoles maternelles. L’un prenant des cours de piano couplé avec des leçons de chant choral, l’autre une initiation à l’informatique et le troisième ne suivant aucun enseignement spécifique. Si aucune disparité n’a été observée au test initial, au test final, les élèves du groupe de musique ont obtenu des résultats significativement plus élevés que ceux des groupes témoins lors de l’exercice mettant en jeu le raisonnement spatio-temporel (assemblage d’objet).
Une étude plus récente a montré que des enfants de maternelle (5 ans) qui bénéficiaient de cours de piano en groupe avaient de meilleurs résultats aux tests de raisonnement spatio-temporel. Cette expérience là, a démontré que les effets de l’apprentissage n’entraînaient pas d’effet à long terme, ce qui signifierait que la formation doit durer un certain temps pour produire des effets durables sur la cognition spatiale. Les élèves ayant étudié pendant quatre années consécutives (jusqu’au CE2) ont obtenus des résultats 52% supérieurs à ceux qui n’ont commencé qu’en CE1. Cela confirme donc aussi la thèse qu’il est important de commencer l’apprentissage très tôt.
Les musiciens, font preuve d’une meilleure synchronisation que les non-musiciens.

Depuis des dizaines d’années, on parle de similitudes entre la musique et les mathématiques. La pratique d’un instrument renforce un certain nombre de capacités cognitives, dont les facultés auditives, visuelles et motrices. La reconnaissance des mots, l’orthographe, les principes de base des mathématiques, l’attention, la concentration et discipline. Head Start est un programme du Département de la Santé, de l’Éducation et des Services sociaux des États-Unis, il a démontré que des progrès importants dans les tests languagiers sont observés chez les élèves pratiquant régulièrement une activité musicale.
Des études ont montré que des expériences musicales bien conçues pouvaient avoir des effets positifs sur les résultats scolaires. La musique contribue au développement mental, aux capacités d’apprentissage et à la socialisation des apprenants. Il est aussi noté une amélioration en terme de confiance en soi des apprenants, ce qui mène souvent à des tests positifs.
L’ACER (Australian Council for Education Research) compare les résultats d’élèves de CM1 suivant un enseignement artistique et pas. Les élèves pratiquant une activité artistique obtiennent des résultats nettement meilleurs en lecture, calcul, écriture, résolution de problèmes, planification et organisation, communication et travail en équipe.
Une autre étude menée dans plusieurs établissements en Australie (Mc Curry, 2003) observe que les élèves pratiquant régulièrement une activité musicale s’améliorent sur de nombreux points : la communication orale et écrite, le raisonnement logique et interprétatif, les aptitudes à la planification et à l’organisation (la musique conduit à prendre une décision toutes les deux secondes), la compréhension d’autrui et le travail en équipe, l’esprit d’initiative, l’approche des apprentissages et de la technologie.

Ce symposium s’est conclu en deux points. Les améliorations obtenues par la pratique musicale sont bel et bien existantes mais les chercheurs s’accordent pour dire qu’il existe sûrement un moyen plus efficace et moins coûteux pour améliorer les capacités spatio-temporelle de nos apprenants. Il en existe peu cependant qui puisse agir sur une aussi large palette de compétences. Les scientifiques relèvent que les travaux sur les liens entre l’éducation musicale et les performances cognitives doivent se poursuivre car en négliger les effets reviendrait à passer à côté d’applications potentiellement importantes dans le domaine de l’éducation.

Plus que les arguments scientifiques, voici peut-être la seule vraie raison d’enseigner la musique, évoquée en conclusion de ces observation lors du symposium:

Si l’on fait place aux arts dans nos écoles sous prétexte qu’ils sont source de progrès scolaires, les arts perdront rapidement leurs statut dès lors que les progrès attendus ne surviendront pas. La seule justification des arts, c’est qu’ils enseignent ce qu’aucune autre matière n’est en mesure d’enseigner.

Lois Hetland et Ellen Winner

Malgré toutes les études effectuées, la place que doit avoir l’éducation musicale reste donc imprécise. Faut-il considérer la musique comme un complément à la formation générale ? Comme une sorte de “supplément d’âme” ? Ou bien faut-il envisager sa pratique comme l’une des composantes essentielles de la formation générale ?

L’éducation musicale a souffert et continue de souffrir d’un déficit de considération, d’un manque de légitimité éducative. Cette soif de légitimation attend beaucoup trop de l’évaluation de ces effets. A-t-on jamais vu que les mathématiques doivent produire un certificat en « éducation à la citoyenneté » avant d’entrer à l’école ?
Il serait légitime de s’interroger sur les valeurs qu’incarne une politique ; le statut accordé à l’artiste au sein d’un pays et la place qu’occupe l’histoire de l’art et de la culture. Toute éducation demande du temps, et l’éducation musicale ne peut s’accomplir que dans la durée.

Preuves et moyens financiers sont là, d’où vient donc ce retard ?

On ne peux faire état de cette discipline sans un minimum de connaissances historiques et culturelles. J’ai interrogé plusieurs professeurs de musique et à plusieurs reprises, j’ai entendu cette remarque « tout passe par la voix ». Or, il faut savoir que la Révolution française a produit un effet non négligeable sur l’apprentissage du chant en interdisant la pratique du chant polyphonique dans les églises pendant près de trente ans. La musique à vocation patriotique, jouée principalement par des instruments à vent devient alors le plus grand employeur de musiciens. L’interdiction de la chorale eut pour effet de couper une première fois nos concitoyens de leur patrimoine vocal religieux. Une multitude de traditions locales, religieuses ou populaires sont considérés comme nuisibles à la révolution et à l’unité de l’État. La tradition orale de nos régions se fait oublier au profit d’un patrimoine musical d’État, ce qui entraîne progressivement la perte du chant en famille. Les pays scandinaves, qui ont conservé leurs traditions et folklore sont, de fait, des pays plus « chantants ». Le travail vocale participe également considérablement à l’apprentissage des langues et sa dimension ludique permet aux enseignants de faire appel à de nombreux chemins pédagogiques.

En 2006, 13.784 chorales sont recensées en France, on peut donc considérer que la pratique chorale est largement répandue dans les écoles primaires mais qualitativement, deux problèmes subsistent. L’organisation des chorales se fait de façon plutôt désordonnée, induisant un manque d’efficacité dans la pratique. L’absence d’instructions claires de la part du ministère en sont la cause. En effet, pour écrire cet article, j’ai cherché les textes de lois ou programmes émis par le ministère de l’Éducation. Ne trouvant rien de précis et concret, je me suis tournée vers les professeurs, à qui on laisse plus ou moins l’initiative de construire leurs cours sans cadre fixe.

La dernière réforme concernant l’éducation artistique et culturelle a été diffusée en 2009, elle laisse plus de place pour le chant, encourage les enseignants à introduire l’histoire de l’art et des outils sont mis en place pour obliger les enseignants à diversifier le répertoire travaillé en cours. A-t-elle eu des répercutions concrètes au quotidien ? Voici la réponse la plus positive que j’ai eue : “Non, pas vraiment, mais c’est tout de même bien vu et très intéressant. Ce n’est pas une révolution mais une belle et bonne base pour savoir où l’on va.” On pourrait en conclure qu’il n’y a ni programme clair et surtout, aucun contrôle des acquis. Les professeurs de musique que j’ai interrogés sont souvent des pédagogues passionnés et engagés, travaillant dans des contextes parfois difficiles et n’ayant souvent pas eu la chance d’être suffisamment préparés à leur métier. À ce sujet, je rappelle que dans les années 50-60, par manque de moyens, la musique était enseignée par des professeurs d’autres disciplines, contents de pouvoir compléter leurs heures dans un même établissement plutôt que de devoir se déplacer, ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, produisit un sérieux tort à la discipline.

Je ne m’attarderai pas plus longtemps sur les innombrables failles que comporte la mise en place d’une telle éducation dans notre système (flûte à bec comme instrument principal, écoute d’œuvres inappropriée ou inaccessible sur des postes de mauvaise qualité, une étude théorique sans approche pratique, accès aux œuvres mais peu aux créateurs, manque de pédagogie de projet…). Des ouvrages ont été écrits à ce sujet et je vous recommande de vous y plonger car ils méritent considération. Je me permet cependant de m’attarder sur une notion qui me tient à cœur plus particulièrement car elle perdure jusqu’à l’âge adulte et trompe nombre de musiciens professionnels actifs en France.

L’idée préconçue que j’évoque est celle de la séparation des genre. Cette obstination qu’ont certains à cultiver ce mythe qui dit que la Grande musique n’a rien à voir avec les musiques “tam tam” que nos jeunes subissent aujourd’hui. C’est d’une banalité et d’une bêtise… Pourtant, à force d’insister, cette théorie commence à devenir réalité. En ignorant les musiques dites “actuelles”, nous ne permettons pas à nos jeunes de faire des rapprochement entre les styles et l’écart musical qu’il existe entre les deux genres s’agrandit. Les musiques actuelles en effet sont de plus en plus homogènes, sans grand intérêt techniquement et les interprétation sont de plus en plus ternes, sans réelle identité musicale ou subtilité d’interprétation.

Pourtant, sachez que cette musique tam tam est parfois d’un réel intérêt et qu’il est assez évident de faire des rapprochements entre les différents genres classiques et ceux modernes, le rock, le hip hop, l’électro, la transe, la variété…ou le tam tam. Par exemple, la basse continue, souvent identifiée dans le rock, est très proche du système de basse continue utilisée dans le baroque. France H. Rausher note que le travail sur la mélodie et l’harmonie est central, mais qu’il doit être complété par l’acquisition du rythme (hum hum…) et quoi de mieux que la spontanéité et la diversité des musiques actuelles pour découvrir diverses structures et laisser place aux surprises rythmiques ? Nombreux sont les jeunes autodidactes qui utilisent des techniques poussées pour créer des musiques qui leur sont proches.

À certaines conditions, ces musiques d’un nouveau genre peuvent trouver un lien avec l’enseignement musical inculqué au collège et au lycée. Musiques actuelles et musique classique font partie de la même sphère et ne sont pas si éloignées que voudraient le faire croire les ignorants, les nostalgiques, les flemmards ou les peureux. Une pédagogie (sentir, comprendre puis apprendre) d’un nouveau genre est à réinvestir. Les possibilités que proposent l’harmonie sont infinies et elle doit être perçue et utilisée par tous les genres, exploitée dans tous les sens.

Mais que faire ?

Je ne me permettrai pas d’élaborer ici un programme musicale pour  l’éducation nationale car des ouvrages entiers fait par des professionnels proposent des solutions et détaillent le fond des problèmes. Indiquons à titre indicatif les principales pistes :

-un apprentissage régulier dès le plus jeune âge.

-un apprentissage du rythme de la mélodie et de l’harmonie qui passe par la voix, instrument premier des hommes.

-l’abandon de la flûte à bec qui pour dire vrai, est un instrument difficile à maîtriser.

-l’élaboration d’une harmonie à double sens

-une approche par tous les styles

-plus d’heures accordées par l’Etat à cette discipline

-accompagner ces changements de recherches qui puissent optimiser l’efficacité de l’enseignement.

Pour un étude plus approfondie, je vous recommande :

Évaluer les effets de l’éducation artistique et culturelle. Symposium européen et international de recherche, Centre Pompidou, La Documentation française, juin 2008

Ecoutez, c’est tres simple , Pour une autre éducation musicale, Marc-Olivier Dupin, 2007

Enfin, certains connaisseurs me diront que c’est un #oldlink mais qui entre hélas dans un débat encore d’actualité :
leur nom n’a jamais été mentionné aux Victoires de la Musique, ils ont pourtant gagné un Grammy Award du meilleur album de musiques alternatives le 31 Janvier 2010 pour la 52ème cérémonie des Grammy Awards aux États-Unis. Ici, un professeur de primaire fait interpréter le titre “Lisztomania” de Phoenix à ses élèves :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Liens et lectures:

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/education-artistique/educart/biblio.htm

L’éducation artistique et culturelle à l’école en Europe, Commission européenne, octobre 2009

L’enseignement de la musique en france: situation, problèmes, réflexion, Gérard Ganvert, 1997

L’art d’apprendre à ignorer, Xavier Darcos, 2003

Musicophilia: le cerveau et la musique, Oliver Sacks et Christian Cler, 2009

Percevoir la musique, une activité cognitive, Pineau et Tillman, 2003

L’éducation musicale: une pratique nécessaire au sein de l’école, Brigitte Soulas et Gérard Vergnaud, 2008

Crédits photos CC FlickR weperruper t_lawrie cristiano_betta rosipaw

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http://owni.fr/2010/09/26/leducation-musicale-en-france-une-partition-discordante/feed/ 0
Prendre le jeu au sérieux http://owni.fr/2010/07/19/prendre-le-jeu-au-serieux/ http://owni.fr/2010/07/19/prendre-le-jeu-au-serieux/#comments Mon, 19 Jul 2010 08:16:33 +0000 Rémi Sussan http://owni.fr/?p=22259 Cette partie d’un dossier d’InternetActu consacré au serious game, “Soyons sérieux, jouons !”, défriche cette notion. D’un certain point de vue, elle n’est pas nouvelle.

Le jeu sérieux est-il un nouvel Eldorado ? On pourrait le croire en observant le nombre de conférences et évènements consacré au sujet en 2009, ou en regardant le succès remporté par l’“appel à projets” du ministère de l’Economie numérique lancé sur le sujet.

Mais le succès des jeux sérieux n’est pas pour autant acquis ! Aucun jeu sérieux n’est encore apparu dans le top des ventes. D’ailleurs, dans cette proposition de jeux sérieux, n’y-a-t-il pas une contradiction dans les termes ? Le propre du jeu n’est-il pas de subvertir les catégories sociales en vigueur ? N’est-il pas plus habité par l’esprit du carnaval que par celui de l’école ? Qu’est-ce qui est “‘nouveau” dans ce concept ? Les “jeux éducatifs” existent depuis toujours. Et pas seulement depuis l’edutainment des années CD-Rom, ces jeux parascolaires qui allaient permettre aux enfants d’apprendre tout en se divertissant – edutainement dont les actuels promoteurs du jeu sérieux souhaitent d’ailleurs s’éloigner.

Notion paradoxale

Qu’y a -t-il de nouveau, alors ? Avant tout, le jeu devient une activité “sérieuse” : autrement dit, elle s’adresse largement autant aux adultes qu’aux enfants. Il ne s’agit plus de faire du parascolaire, de mettre un nez de clown pour faire passer la pilule de la leçon sur le complément d’objet. L’actuelle vogue des “jeux sérieux” doit beaucoup à la montée en puissance des ordinateurs et à la perfection des simulations. Du coup, le jeu sérieux quitte l’école pour investir d’autres domaines. L’entreprise, bien sûr, mais aussi la santé, voire l’action militante, car certains de ces jeux ont moins pour ambition d’éduquer sur un sujet que faire passer des idées : c’est ce qu’on appelle les “jeux persuasifs”.

Mais le progrès technologique ne résout toujours pas la difficulté, le paradoxe du “jeu sérieux” : une simulation n’est pas un jeu, comme nous le rappelle Second Life ! Or, la dimension ludique reste nécessaire pour permettre l’immersion : on ne s’investira pas dans la meilleure des simulations si l’on s’y ennuie à mourir.

De fait, l’une des conditions fondamentales du jeu est qu’on y entre de son plein gré et qu’on peut en sortir quand on le désire. Le seul pouvoir de fascination du jeu est suffisant pour retenir le participant dans ses rets. C’est la théorie du “cercle magique”, formulée par Johan Huizinga dans son classique Homo Ludens, écrit en 1938. A l’intérieur du cercle, on est dans le jeu. En dehors, on ne joue pas, quoiqu’on fasse. À bien y regarder, il semblerait pourtant que le jeu sérieux, par son nom même, constitue une brèche dans le cercle magique.

Pour Hector Rodriguez, qui consacre un long essai à ce problème dans la revue en ligne Game Studies, il n’y a pas vraiment de contradiction entre jeu et “sérieux”. À condition toutefois de ne pas se tromper d’approche :

“Le premier point de vue consiste à considérer les jeux comme des outils d’enseignement ou de formation dont le but principal est de rendre le processus d’apprentissage plus agréable, attirant ou accessible à l’étudiant. (…) Le jeu est utilisé uniquement comme un moyen de maximiser l’efficacité de l’enseignement. Un exemple de cette méthode est l’edutainment, “l’éducation par l’amusement”. Cette approche du jeu sérieux, cependant, ne s’accorde pas bien avec la théorie de Huizinga selon laquelle l’intégrité du jeu est pervertie si on l’utilise pour servir une fonction sociale.”

Mais on peut considérer les choses d’une manière radicalement différente, en se basant sur : “la conviction que de nombreuses manifestions de la culture dite sérieuse possèdent intrinsèquement des aspects ludiques. (…) Jouer peut faire partie du processus d’apprentissage parce que le sujet qu’on apprend est, du moins sous certains aspects, essentiellement ludique. Le rôle des jeux sérieux dans le processus d’apprentissage consiste donc à mettre en lumière la nature fondamentalement ludique du sujet enseigné”.

Neuroscience du jeu

De fait, il existe deux façons de prendre les jeux au sérieux. La première consiste à concevoir des jeux dans un but spécifiquement non ludique, éducatif, militant, etc. L’autre est de reconsidérer les jeux dans leur ensemble, même ceux qui suscitent le plus de méfiance et de mépris, et se demander ce qu’ils sont susceptibles de nous apporter.

Les études se multiplient sur les bienfaits psychologiques des jeux, de l’extension de la mémoire de travail aux capacités visio-spatiales. Tout récemment, une étude sur un groupe de jeunes adolescentes jouant à Tetris aurait même montré que ce jeu aurait la capacité d’épaissir certaines régions de la matière grise. Tout aussi surprenant, selon une étude menée en 2004 au centre médical de Beth Israël à New York, “les chirurgiens qui jouent à des jeux vidéos plus de trois heures par semaine commettent 37% moins d’erreurs dans la salle d’opération que ceux qui ne jouent pas. lls sont 27 fois plus rapides en cœlioscopie, et sont capables de suturer 33% plus vite”.

Mais pour l’écrivain Steven Berlin Johnson (fondateur d’un des premiers magazines en ligne, Feed, et auteur de Everything bad is good for you, c’est-à-dire Tout ce qui est mauvais est bon pour vous), on ne saurait s’arrêter à ces petites améliorations, certes appréciables, mais qui restent anecdotiques. L’aspect éducatif du jeu va bien plus loin et est bien plus novateur.

Il raconte comment, un jour alors qu’il s’échinait avec difficulté sur une partie de Sim City, son fils de sept ans le regarda jouer et lui dit simplement : “peut-être faudrait-il diminuer les impôts dans les zones ouvrières”. L’enfant avait “absorbé”, par simple contact avec le jeu, un savoir économique largement au dessus de son âge.

Pour Johnson, les jeux vidéos modernes développent deux capacités fondamentales dans le monde d’aujourd’hui : ils forment à l’exploration systématique et à l’élaboration de plans complexes, avec établissement d’un ensemble de priorités, de sous priorités, etc. Explorer, tester des hypothèses, planifier une tâche… Ce sont les fondements de la méthode scientifique.

Pourquoi le jeu nous forme-t-il si intuivement à des tâches aussi complexes ? Pour Johnson, la réponse est dans la dopamine. Chaque nouveau succès dans un jeu, chaque ennemi mis à terre, chaque trésor déterré, chaque épreuve gagnée nous donnerait notre “dose” de dopamine, molécule dont notre cerveau est particulièrement friand, et nous pousserait ainsi à continuer à jouer !

Le psychologue et blogueur Jamie Madigan s’est intéressé de près à cette idée du jeu comme “dealer de dopamine” en étudiant particulièrement à la notion de “butin” dans des jeux comme World of Warcraft. Vieil héritage de Donjons et Dragons, cette pratique propre à la plupart des jeux de rôles consiste à “faire les poches” d’un monstre qu’on vient de tuer pour récupérer éventuellement argent ou objets. Selon Madigan, les cellules émettrices de la dopamine s’activent particulièrement lorsqu’elles recherchent une récompense, mais elles deviennent quasiment folles lorsque la récompense se révèle totalement inattendue, comme lorsqu’on découvre sur le cadavre d’un des monstres une arme magique particulièrement miraculeuse !

"Snakes and ladders"

Le jeu est par nature éducatif

Pour Raph Koster, qui en son temps dirigea la création d’un des premiers MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multijoueur), Ultima Online, tout jeu est fondamentalement éducatif. C’est l’idée qu’il développe dans son livre, A theory of fun. D’après lui, les êtres humains ont le don de découvrir des patterns, des modèles, des structures… Ils en voient partout, mais il leur faut un certain temps pour les construire. C’est cet acte de reconnaitre et manipuler des patterns qui font le “fun”. Comme il l’explique lors d’une conférence :

“Le fun est le feedback envoyé par le cerveau lorsque nous réussissons à absorber une pattern. Nous devons absorber des patterns, car sinon nous mourrons. Donc le cerveau DOIT envoyer un feedback positif lorsque nous apprenons quelque chose. Nous avons tendance à voir l’amusement comme quelque chose de frivole. Comme la chose qui n’a pas d’importance. Et c’est là qu’est le point central du jeu sérieux : je suis ici pour vous dire que le fun n’est pas une chose frivole, mais qu’il est un aspect fondamental de la nature humaine et nécessaire à la survie. Notre but est donc de sauver la race humaine de l’extinction.”

“Les jeux sont comme des versions cartoons des problèmes les plus complexes du monde réel. Serpents et échelles ? C’est de la géométrie euclidienne ! C’est un espace cartésien. Il possède même des trous de ver, par tous les dieux ! Qui dans cette salle enseigne la physique ? La théorie des supercordes ? Jouez à un jeu ! Les jeux sont une distillation des schémas cognitifs. “

Du coup, on peut se demander si le jeu ne pourrait pas remplacer purement et simplement l’éducation traditionnelle. C’est le pari qu’ont pris, à New York, les créateurs d’une école entièrement centrée sur le jeu vidéo, Quest to learn (La Quête de l’apprentissage). Cette institution éduque 72 enfants de niveau collège par l’intermédiaire de modules ludiques tels Codeworlds (qui regroupe math et anglais), “Being, space and place” (”être, espace et place”, pratique transversale de l’anglais et des sciences humaines), ou “The way things work” (”comment les choses marchent”, consacré aux maths et aux sciences). A noter également la présence d’un “module” dédié à la conception de jeux. C’est important. Car dans un monde à venir dominé par l’esprit ludique va s’imposer la nécessité d’un nouvel alphabétisme : savoir créer ses propres jeux. Des systèmes comme Kodu, Alice ou Scratch, qui enseignent aux jeunes de 7 à 77 ans comment concevoir leurs propres jeux vidéos, pourraient bien faire partie du bagage indispensable de l’honnête homme du XXIe siècle.


Retrouvez tous les articles de notre dossier jeux vidéo:

- Fais-moi jouer, fais-moi jouir
- Lara, Zelda, Samus: pourquoi sont-elles aussi sexy ?

ff

Billet initialement publié sur InternetActu dans le cadre d’un dossier sur le serious game. Les autres parties :

2e partie : Les nouvelles formes de jeu
- 3e partie : Le jeu, catalyseur de l’intelligence collective
- 4e partie : Le jeu est le futur du travail
- 5e partie : Le jeu est l’arme de la subversion

Images CC Flickr
~Jin Han ~ H is for Home ; une : A*A*R*O*N

MAJ 01042011
photos via flickr par Stuck in Customs [cc-by-nc-sa]

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http://owni.fr/2010/07/19/prendre-le-jeu-au-serieux/feed/ 8
Hacker la pédagogie http://owni.fr/2010/06/18/hacker-la-pedagogie/ http://owni.fr/2010/06/18/hacker-la-pedagogie/#comments Fri, 18 Jun 2010 10:30:38 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=19110 Dans de nombreux établissements, des sites Internet sont bloqués. Quand il s’agit de YouPorn, on peut comprendre. En revanche, quand il s’agit de sites qui peuvent être utilisés dans un but pédagogique, on comprend moins.

Depuis 2004, l’Éducation nationale enjoint aux établissement de “protéger les élèves mineurs des dangers de l’internet”. La circulaire de février 2004 donne un cadre général : “Les déploiements d’accès généralisés à l’internet dans les établissements et écoles ne peuvent s’effectuer qu’en prenant en compte les besoins des enseignants et des équipes éducatives de disposer d’outils leur permettant de sélectionner ou de contrôler l’information mise à disposition des élèves.” La liste noire de l’Académie de Toulouse sert de référence, en attendant une liste noire nationale de référence, sensée être disponible à l’adresse http://www.educnet.education.fr/aiedu/listenoire.htm. (le lien renvoie sur la liste des textes et préconisations en matière de prévention).

Les académies et les établissement jouissant d’une grande autonomie sur ce sujet, chacune arrange ces bases à sa convenance. “On voit de tout, résume un membre de l’Éducation nationale : des académies qui appliquent une politique autoritaire, au gré des remontées et des demandes du terrain, à tous les établissements ; des académies qui délèguent l’administration du filtrage aux chefs d’établissement sur des machines dédiées ; il est en général très difficile de changer les réglages par défaut ; des établissements qui laissent les pédagogues s’occuper de ça et, là, ça dépend de la bonne volonté et de la paranoïa du prof en question. Il n’est pas possible de tirer une règle générale, cependant

Facebook est filtré très majoritairement (ça plait aux jeunes qui « jouent » et ne travaillent pas – sic), Twitter aussi le plus souvent car il est tombé dans un groupe de sites indésirables ; Youtube, Dailymotion, WatTV et la plupart des plateformes vidéos sont filtrées. Pour ce qui concerne les plateformes de blogs, c’est très variable mais Skyrock (Skyblog) est massivement bloqué.

Récemment, c’est dans un établissement de l’Yonne qu’il y a eu un nouveau cas. Cette fois-ci, c’est Facebook qui en a fait les frais, temporairement. Pierre Travers, enseignant là-bas, revient sur l’épisode :

“Une collègue a été insultée par un élève sur un compte FB, une décision a rapidement été prise d’en bloquer l’accès depuis le collège. Cette demande a été faite par le référent Technologie de l’Information et de la Communication pour l’Éducation (TICE) à la demande d’autres professeurs et acceptée par la direction. Suite à ce blocage, j’ai soulevé le problème devant ma direction qui a volontiers accepté mes arguments en comprenant bien qu’une politique de l’autruche n’est pas souhaitable. Nous formons des citoyens (et pas seulement de futurs employés d’une entreprise comme j’ai parfois pu le lire ou l’entendre) et nous devons aller au devant de ces problèmes, y apporter des solutions éducatives.”

Les obstacles éventuels sont autant techniques que culturels, comme le détaille le professeur :

“La très grande majorité des profs voit dans les TICE une plus-value pédagogique. Néanmoins cette plus-value a un prix :

-financier : l’équipement et son entretien coûtent très cher en temps et en argent.

-préparer une séance utilisant les TICE, c’est parfois se mettre en difficulté à cause de machines défectueuses, de plugins non installés sur un navigateur alors amputé de certaines fonctionnalités.

-c’est aussi un temps de préparation plus long et une autre manière d’enseigner, en laissant plus de temps aux élèves, en leur donnant plus d’autonomie, un droit à l’erreur plus large.

L’enseignement traditionnel est celui que nous avons connu étant enfants : il a un côté rassurant pour les adultes : c’est du “VRAI” travail. Il y a une vision à changer, chez les parents d’abord mais même chez certains profs.”

La méconnaissance de ces nouveaux (au passage, l’excuse de la nouveauté commence sérieusement à s’essouffler, les années passant…) outils explique aussi les réticences. Le rôle de certains médias dans cette défiance n’est pas négligeable. Le vrai danger, ce ne sont pas les apéros Facebook mais les reportages (?) à la Jean-Pierre Pernaut qui stigmatisent ces sites. Si en plus vous glissez là dedans un enseignant, vous obtenez là une recette diabolique.

Pourtant, les chiffres sont là : les jeunes aiment Internet, plus que la télévision maintenant, et plus particulièrement les médias sociaux. Une étude récente menée dans le cadre de Fréquence Ecoles, montre que près de 90% vont sur Internet au moins une fois par semaine, et la moitié environ se connecte tous les jours ou presque. Parmi leurs trois sites préférés, on trouve trois réseaux sociaux : Facebook, Youtube et MSN. Jouer, écouter de musique, regarder des vidéos, faire des recherches personnelles mais aussi pour l’école, “Internet ne révolutionne pas les activités privilégiées des jeunes” soulignait l’étude. Notons que le jeune – comme l’adulte dans son openspace…- aime à se détendre, et mieux qu’il y a droit, après quatre heures de cours, par exemple. Visionner des bêtises lolantes sur YouTube ne vont pas l’empêcher de réussir ses études, et ce n’est pas l’équipe d’OWNI qui dira le contraire, tout est une question de mesure.

La même étude révélait que les trois quarts des jeunes n’utilisent pas Internet pour élargir leur cercle de connaissances. Interdire Facebook reviendrait donc en quelque sorte à supprimer la cour de récréation au prétexte que l’on peut s’y faire insulter, tabasser… Il serait plus judicieux d’expliquer que les règles de bonne conduite de la cour de récré s’y appliquent aussi, et là c’est également aux parents de jouer leur rôle. De même, un élève qui ne peut pas insulter son petit camarade d’un poste du collège, le fera de chez soi et puis c’est tout.

Surtout, bloquer les sites revient à confondre, comme c’est souvent le cas, à confondre tuyaux et contenus. Du temps du règne de la télévision, il se trouvait d’aucuns parents/enseignants pour fustiger les âneries du Club Dorothée qu’envoyait l’écran de TV à leurs chères têtes blondes. C’est sur ce même écran que, bouleversés, ils ont découvert Shoah de Claude Lanzmann en cours d’histoire. Qu’ils ont appris à mieux comprendre les us et coutumes de leurs voisins d’outre-Rhin en regardant Karambolage pendant les heures d’allemand.

“La plupart des acteurs se sentent rassurés par cette censure. Elle constitue néanmoins une erreur”,

souligne Pierre Travers. L’important, c’est l’usage qui est fait des outils : “à notre charge de les employer de façon intelligente, de les détourner si besoin”. Et tant pis si l’on se trompe : “L’exploration, le bidouillage, les erreurs ont fait partie de ma formation d’adulte responsable”, poursuit-il. Hacker, avec ce que cela suppose d’incertitude.

Les exemples d’usages pédagogiques des médias sociaux sont légions. Gigantesque vidéothèque, YouTube et Dailymotion sont par exemples des réservoirs documentaires gratuits.

Le blog, trop souvent caricaturé à travers le Skyblog comme symbole de vacuité adolescente -“wesh wesh lâche ton comm”-, présente une large palette d’utilisation : on peut tenir un journal de classe, voire d‘un établissement, suivre un voyage à l’étranger, animer un atelier d’écriture, etc. Le blog est une manière décomplexante d’appréhender l’écriture. La blogueuse Michelle Blanc racontait récemment cette anecdote : “l’un de mes petits neveux, réputé haïr la lecture (selon ses parents), lorsque je le mis devant un blogue de hockey, il passa trois heures devant l’écran et vint me chercher pour apprendre à faire un commentaire qu’il fit dans un français impeccable. Il était très conscient que l’écriture «  c koi tu fé a soir » n’était pas celle qu’il devait utiliser pour laisser sa trace numérique sur un site sérieux (même si c’était un blogue sur le hockey).”

Dans les mains de Laurence Juin, professeur de français et d’histoire-géographie en lycée professionnel, Twitter – le colporteur de rumeurs, vous savez-, devient un outil pédagogique, via un compte commun à la classe, @laderniereannee. Elle explique avoir choisi Twitter parce qu’il présente les avantages de FB sans les inconvénients : “J’ai commencé à échanger via Facebook avec mes élèves en fin d’année scolaire 2009/2010. Nous menions des projets de classe qui nous demandaient de communiquer et échanger bien au delà du temps de classe. J’ai rapidement perçu les limites de Facebook : le mélange vie privée/vie scolaire ne me satisfaisait pas. Pourtant, les échanges par ce type de média m’avaient apporté une certaine satisfaction.” Concrètement, voici un exemple d’utilisation de Twitter (vous en trouverez bien d’autres détaillés sur son blog relatant cette expérience, Ma dixième année) :

“-rédiger le plan de synthèse d’une question de géographie en classe : l’élève travaille à son rythme, tweete son plan, je le lis, je fais des remarques = nous communiquons, j’individualise le travail élève et tout ça se déroule dans le silence : les autres élèves continuent à pouvoir se concentrer.”

Un moyen d’éduquer aux médias en général

De façon plus générale, elle estime que c’est aussi un moyen d’éduquer aux médias en général, rôle dans lequel l’Éducation nationale devrait s’impliquer un peu plus (c’est nous qui le disons), en montrant aux élèves les “qualités, défauts, avantages et dangers du web, des médias et d’un web-média”. Cette expérience a ainsi contribué à la construction de leur identité numérique.

Si elle a reçu son paquet de critiques, Laurence a été soutenue par son proviseur et son inspecteur pédagogique régional. Médiatisée, cette expérience positive a suscité des velléités chez certains collègues à s’y mettre. Et au passage, on tire notre chapeau à Laurence, qui a réussi à faire utiliser un média dont on sait les exigences, qui en ont rebuté plus d’un.

On fera une incursion dans les jeux vidéos, autre objet de diabolisation à grand coup de Meuporg. “Nos élèves sont capables de dire des choses très pertinentes sur des choses banales quand on les guide, analyse Pierre Travers. Je prends ainsi souvent en exemple les jeux vidéos qu’ils connaissent bien, notamment pour leur expliquer la notion de point de vue narratif. Je pars d’un principe simple : toute production peut faire l’objet d’une analyse intelligente pourvu qu’on ait la curiosité et l’ouverture d’esprit nécessaire pour s’y intéresser.” Et puis, honnêtement, “Zelda  ou Okami sont d’une grande beauté et remplis de qualités. Si je le pense pour moi, je le pense aussi pour les enfants dont j’ai la charge cinq heures par semaine.”

Facebook,  s’il a ses limites et suscite plus d’interrogations sur son utilisation pédagogique, présente aussi des atouts. Il a d’abord l’avantage d’être connu de tous. Au Québec, un professeur d’arts plastiques de Joliette s’en est servi à l’occasion d’un projet sur la profession muséale, en partenariat avec le musée d’art local. Le tout bien bordé. Yves Thibault explique l’avoir utilisé “pour communiquer avec les autres participants, commenter leurs travaux et poser des questions. La commission scolaire des Samares nous a permis de débloquer le site Facebook sur les ordinateurs de l’école pour les dix participants du projet, à la seule condition de rassurer les parents sur les paramètres de confidentialité.” Au passage, les élèves ont réfléchi sur la notion de vie privée.

Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en Sciences de l’information et de la communication à Nantes, avait présenté les raisons pour lesquelles il était “amis” avec ses étudiants. “Je leur signale en “live” les émissions télé ou radio intéressantes, je leur signale également des ressources ayant trait à leur formation ou plus générales sur l’insertion professionnelle, je réponds aussi (très souvent) à leurs questions, y compris longtemps après qu’ils aient quitté ladite formation … bref,

J’utilise Facebook comme ce qu’il était à l’origine, un coin machine à café sur un campus virtuel étendu, permanent si on le souhaite, rémanent quoi qu’il en soit.

Au-delà des questions de “mode” ou de tempérament, -il y a des profs qui aiment prendre le café avec leurs élèves, d’autres non, ça ne préempte en rien de leurs qualités pédagogiques-, il soulignait un autre enjeu, bien plus fondamental :

Il faut y être. Y être pour remonter sur l’estrade virtuelle, celle du “mur Facebook”, celle du “statut Twitter”, de la “vidéo YouTube”, etc. Y être pour y réinstaller un peu de verticalité, pour y garantir, aussi, la présence d’une parole, d’une autorité quoi qu’on en dise.

Y être pour éviter que ces nouveaux lieux ne soient pas que vecteurs de pulsionnel et d’échos médiatiques mais qu’ils permettent également l’établissement de nouvelles universités. Et de tous les savoirs.

Lorsqu’on demande à un jeune comment il voit Internet, il vous répondra “ouverture sur le monde”. À l’école de les aider à conforter, concrètement, cette vision. Cela ne se fait pas d’un clic de souris, malgré la bonne volonté : “L’éducation nationale n’est pas le mammouth que certains se plaisent à décrire, les choses bougent, tous se sentent concernés par les changements en cours et sont demandeurs d’idées, de formation continue. Il faut aussi leur donner du temps : apprendre, assimiler puis retransmettre. Je sais bien comme mes collègues qu’il s’agit d’un long apprentissage. À l’école, il n’y a pas que les élèves qui apprennent, et c’est aussi ça qu’on aime dans le métier.”

À méditer, en ces temps de compression budgétaire.

À lire/consulter :

Ma dixième année, le blog de Laurence Juin sur l’utilisation de Twitter en classe

Lettre-Tice, blog de l’académie de Dijon où blogue Pierre Travers.

Éduquer aux médias et à l’Internet, un dossier de l’Éducation nationale

Le blog de Bruno Devauchelle, formateur-chercheur CEPEC

Quelques comptes du monde de l’éducation nationale actifs : @pierretravers ; @crism ; @frompennylane @michelguillou ; @nbenyounes ; @marsattac …

Images CC Flickr Department for Children, Schools and Families et Wesley Fryer

MAJ : le 23 juin après entretien téléphonique avec Fabrice Prigent, responsable du pôle Système à l’université Toulouse 1 Capitole, qui gère la liste noire qui sert actuellement de référence.

Pour compléter, sur les bons conseils d’Hubert Guillaud (cf. commentaires) , voici une conférence TED de 2006 où Sir Ken Robinson soutient que l’école devrait faire sa révolution en encourageant la créativité plutôt que de la tuer. Dans ce but, il prône le droit à l’erreur et, plus généralement, invite à repenser notre conception de la richesse de la capacité humaine. Aujourd’hui indexée sur le point de vue universitaire, l’éducation doit remettre les arts au centre. C’est ainsi que les enfants seront mieux préparés au futur.

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Prométhée ou le cyberprof ? http://owni.fr/2010/03/24/promethee-ou-le-cyberprof/ http://owni.fr/2010/03/24/promethee-ou-le-cyberprof/#comments Wed, 24 Mar 2010 17:25:24 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=10760 4322950834_2d6ca225fb

Autre temps, autres mœurs

Si une très grande majorité des établissements scolaires et d’enseignement privé sont connectés au Net, il n’en reste pas moins vrai que la puissance de l’outil que l’on met entre les mains des élèves reste phénoménale par rapport aux capacités d’appréhension de l’information, de la gestion des flux et du recul critique nécessaire qu’il faut avoir quand on a la « tête dans le flux » (@sabineblanc, @LeGuillaume) !

Tout étudiant normalement constitué est, d’un point de vue générationnel, web-addict ; mais cette réalité dissimule des états de fait forts différents. Hormis l’anecdote d’étudiants en permanence connectés à Facebook en cours quand le wifi local le permet, il est patent que l’enseignement doit permettre à ses ouailles d’avoir accès à un vrai recul critique. Pour ce faire, il est préférable d’envisager un enseignement privilégiant l’accès à une culture plurivalente, multiaxiale et multi-médiatique plutôt qu’à des digests appris et bredouillés vaguement devant un jury.

Et se pose la question d’« apprendre par cœur » sur laquelle sans être catégorique, nombre de questions se posent.  Cet apprentissage séculaire reste pour certains une nécessité sans laquelle rien ne peut avoir lieu. Toutefois, modérer cet apprentissage « par cœur » serait pertinent alors que l’appréhension du savoir varie à l’envi ces dernières années.

Accéder au savoir… développer la curiosité… vaste utopie quand on appréhende l’aspect strictement consumériste de certaines classes.  L’imaginaire de l’éducation a tellement fabriqué le prof « parole d’évangile et image d’Épinal » qu’il existe une relative schizophrénie estudiantine oscillant entre l’enseignant et le Net, entre Docteur Prof et Mister Web.

La remise en cause de la parole des profs devient légion. Le recul que les étudiants, les profs, doivent prendre face à l’info, au flux, n’est que trop rarement abordé pour qu’il devienne absolument pertinent. Il faudrait pourtant systématiser cette approche du savoir via le Net pour développer  justement l’appréhension des flux, la prise de distance face à la parole donnée par le prof ou par le Net.

Quand l’enseignant face à une classe connectée donne une thématique de cours, apprenants (sémantique éducation nationale), élèves ou simplement humains présents dans une classe, foncent sur le cyberprof Google et cherchent en prenant les quelques premiers liens de la recherche comme un nouvel évangile consommé d’un savoir trouvé donc appréhendé.

Docteur Prof et Mister Web ?

Little Penguin is watching you

Little Penguin is watching you

Comment gérer en amont un cours où une majorité d’élève s’arrogent le droit de ne plus prêter attention au message transmis par le prof bénéficiant de son propre recul, de sa propre expérience sur la question abordée ? Comment appréhender un cours où le timing est faussé par avance ? Comment faire comprendre à des étudiants pour lesquels il faut aller vite et zapper sur un autre sujet, la nécessité de la patience dans les apprentissages ? Comment faire en sorte de maintenir l’attention des élèves quand au bout de quelques minutes toute la classe est au fait de l’ensemble du cours parce le nouvel évangile du savoir Google a donné les réponses ?

Ces questions soulèvent la question essentielle de l’appréhension de tout un stock d’informations que la prise de recul critique sait mettre en perspective. Les étudiants peuvent l’appréhender, à l’évidence, mais sans forcément avoir en eux les armes permettant de démêler les écheveaux de sens que le flux leur donne.

La contextualisation de l’information, du savoir est absolument nécessaire, mais elle n’est pas toujours acceptée, comprise, désirée. Elle devient inutile. Sur un thème donné, des réponses Wikipédia, ou de quelque autre source, suffisent en général aux étudiants les plus consommateurs.

Pourtant, les outils à notre disposition : Reader, Twitter, les Wiki, les forums d’étudiants déversant des cours ou des devoirs clé en main, ou d’autres encore, imposent à ceux qui les utilisent un devoir quasi journalistique systématique. Vérifier l’info, la confirmer, l’infirmer par des sources divergentes, convergentes, permettant de donner à l’info une validité réelle s’avère toujours plus nécessaire.

Or, quand les profs n’apprennent pas aux élèves, aux étudiants, à faire ne serait-ce qu’une recherche sur Google… il n’est en rien étonnant de les voir cliquer sur le premier lien ou le second et les considérer comme LA réponse à leur recherche. Ils sont les victimes de cet état de fait plus qu’ils n’en sont les coupables.

On ne leur a pas toujours appris à devenir curieux. Ô tempora, Ô mores.

L’info à la portée d’un ou deux clic, c’est une potentielle désinformation devenant vérité ; c’est donner au potentiel le poids d’un absolu.

Google, le nouveau Prométhée ?

Connecté ou pas, mac ou PC, un prof reste un prof

Connecté ou pas, mac ou PC, un prof reste un prof

Prométhée s’incarne dans la mythologie du 2.0… mais nul foie rongé en l’occurrence.  Juste des étudiants parfois perdus, des scolaires souvent plantés devant des écrans sans réel apprentissage… Le prof 2.0 que devient le Net avec toute la permissivité créatrice de l’outil devrait leur donner accès non pas au savoir mais aux savoirs… devrait leur permettre d’étendre leurs connaissances de façon exponentielle… Mais face à la génération Z hyper connectée et zappeuse au possible, la prise en compte de la réactivité du web n’est pas encore tout à fait au goût du jour.

Le zapping télévisé donne le « la » de ce zapping étudiant. Le prof se voit obligé de “teaser”, d’adapter des stratégies d’intrigue face au savoir. Le storytelling devient une manière de faire son cours. On sort les élèves de leurs écrans, on réintègre des savoirs dans  l’anecdote, on contextualise en douceur, on apporte des réponses à des questions qu’ils ne se posent pas, et on avance.

On « wiki-ise » le cours, on passe ensuite en phase de reveal pour arriver à reconnecter toutes les informations données dans un contexte qu’ils peuvent appréhender : le leur.

La transversalité créative chère à Morin impose aussi que les enseignements soient transversaux, d’une matière à l’autre, mais aussi et surtout de la matière purement scolaire à la société dans laquelle nous vivons. Mais celle-ci, accompagnée de son flux d’info, va tellement vite, ne prend tellement plus le temps de poser la réflexion, que les étudiants forts de savoirs parcellaires ne peuvent plus appréhender tout ce qui les entourent. Penser en ligne droite d’un point A à un point B est devenu légitime. Penser en ayant en tête une arborescence impliquant tous les tenants et aboutissants d’un fait historique, littéraire, sociologique, psychologique, d’actualité, devient toujours plus délicat. C’est pourtant absolument nécessaire.

Un cours sous Net-influence se transforme toujours plus en un échange entre prof et prof 2.0, entre le savoir et l’information. Dans l’enseignement, la responsabilité sociale, citoyenne, est phénoménale. Donner aux générations de zappeurs des outils d’appréhension sociale, citoyenne, politique, culturelle, se révèle toujours plus essentiel quand le zapping et le formatage se permettent de jouer avec la réflexion.

La mise en perspective de l’enseignement se confronte donc toujours plus à la mise en abîme du savoir disponible sur le Net. Ce qui devait être un avantage phénoménal pour les enseignants devient souvent  inconvénient majeur. Entre savoir et maîtriser les savoirs et ce qu’ils impliquent, un fossé se creuse. La nécessité d’apprendre se confronte de plus en plus souvent à cette réflexion: « apprendre n’est guère utile puisque nous sommes toujours connecté au Net, de fait nous avons un accès au savoir constant ». Accéder au savoir semble devenir une preuve de savoir. Le web serait-il une forme de mémoire 2.0 ? Une culture générale potentielle et disponible serait-elle suffisante ? Le temps de cerveaux disponibles en cours se réduisant toujours plus, devrait-on penser en termes de cerveaux potentiels ?

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Une journée de la laïcité ? http://owni.fr/2010/03/19/une-journee-de-la-laicite/ http://owni.fr/2010/03/19/une-journee-de-la-laicite/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:02:27 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=10249 Le 24 février 2010, Jacques Myard, député, déposait à l’Assemblée Nationale un projet de loi pour ne pas oublier que nous vivons dans un état laïc depuis que la loi de 1905 a été votée.

Le principe de la laïcité doit rester un des acquis fondamentaux de la République. Depuis que la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation de l’Église et de l’État est inscrite dans les valeurs de la République, les tensions politico- religieuses qui caractérisaient  la société française depuis la Révolution s’étaient progressivement apaisé. Les sphères politiques et religieuses se séparaient clairement.

Bonjour, tu aimes la laïcité

Bonjour, tu aimes la laïcité ?

La laïcité devenue constitutionnelle depuis 1946, rappelée en 1958 dans le préambule de la Constitution du 4 octobre, n’est pas une simple déclaration de principe dont on peut faire ce que l’on veut en fonction des vents politiques, sociaux, sociétaux, religieux et des faits d’actualité.

Il peut paraître étonnant de voir apparaître sur l’Owni un article sur la laïcité, pourtant le fait religieux évolue depuis plusieurs années, et il évolue au-delà les faits de censure, de désinformation au nom de principe religieux, sur le Net comme dans la société.  Les groupes religieux n’hésitent plus à faire pressions sur les enseignants, sur les blogueurs, les médias…

Pourtant, cette loi de 1905 constitue un socle fondamental du pacte républicain. Elle reste garante d’une véritable paix civile, sociale, loin de toute forme de querelle religieuse dont l’histoire de France est émaillée. Les attaques systématiques, systémiques, contre cette loi sont aujourd’hui de plus en plus fréquentes.

L’éducation en est en partie responsable. Le civisme dont tous les médias tirent des conclusions hâtives n’est plus prioritaire, l’éducation fait de plus en plus défaut dans les dernières décisions ministérielles qui concernent l’Histoire. Sans Histoire, comment un élève, quel que soit son niveau, peut-il se situer dans sa propre histoire ?

Sans un accès au savoir et sans le développement nécessaire de la curiosité sur le fait social et sa compréhension, nulle possibilité de développer une volonté d’implication sociale, nulle possibilité de mobiliser pour défendre des valeurs républicaines, sociales. De fait, cette journée de la laïcité s’inscrit dans cette volonté de ne pas oublier que les services publics, que l’État au-delà, la société en général, se doit d’être neutre quant au fait religieux qui demeure à ce jour méconnu des jeunes générations. S’il l’est, il est souvent caricatural.

Les jeunes caricaturent souvent le fait religieux

Les jeunes caricaturent souvent le fait religieux

En mettant en avant le principe de neutralité religieuse, de liberté individuelle, le législateur est régulièrement intervenu pour rappeler et réaffirmer le principe de laïcité. La loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans tous les espaces publics revient donc sur cette loi de 1905. Le récent « débat » sur le port de la burqa nous rappelle également à une vigilance sur ce thème.

Cependant, le comportement de certains groupes religieux, quelle que soit la religion, dont les motivations sont très clairement politiques, vise à imposer par des pressions sur les élus des lois sapant ce principe constitutionnel fondamental. Une partie des dirigeants politiques eux-mêmes semble prête à remettre en cause le principe de laïcité.  Les pouvoirs publics doivent pourtant impérativement le faire respecter dans la sphère publique.

Le retour des expériences rappelle donc que l’éducation est essentielle : « Toute génération nouvelle est un peuple nouveau » dit Toqueville. Il est nécessaire de rappeler ces principes, de rappeler le fait historique, religieux, de telle manière que la perception sociale ne soit pas faussée par les discours factuels que l’on peut trouver dans les médias, à la vision essentiellement parcellaire voire spectaculaire fondée d’abord sur une actualité immédiate souvent mal contextualisée et conceptualisée.

La défense de toutes nos libertés, qu’il s’agisse de la liberté d’information, de la liberté d’expression, des libertés sur Internet que les dispositifs légaux actuellement en débat mettent à mal, est essentielle. Il convient d’enseigner en permanence aux jeunes générations le cadre laïc républicain et les valeurs corollaires que cela implique : tolérance, ouverture d’esprit, ouverture à l’autre, curiosité, etc.

Une journée de la laïcité peut-être considérée comme vaguement symbolique. Elle est pourtant  parfaitement opportune en ceci qu’elle rappelle à tous les piliers républicains. Que cette journée soit abordée à l’occasion de discussion dans les écoles, collèges et lycées, dans les médias permettra de rappeler que les combats sociaux qui ont abouti avec la loi de 1905 sont d’abord des combats qui ont permis de fonder une société équilibrée.  L’actualité immédiate fragilise ce principe, il faut donc permettre à la société de se souvenir de ces combats et de ses implications.

Toute la société, tous les médias sont concernés.

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PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le 9 décembre de chaque année est déclarée journée nationale de la laïcité.

Article 2

Dans tous les établissements d’enseignement, les enseignants consacrent une partie des cours de la journée à des exposés et à des discussions sur le principe de la laïcité dans la société française.

Article 3

Les services publics radios et audiovisuels traitent dans leurs programmes de laïcité.

> Illustration par Capt. Tim sur Flickr

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La génération « post-micro » http://owni.fr/2010/02/21/la-generation-%c2%ab-post-micro-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/02/21/la-generation-%c2%ab-post-micro-%c2%bb/#comments Sun, 21 Feb 2010 17:08:51 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=8646 Cet article, publié il y a deux mois, est l’oeuvre de Jean-Noël Lafargue. Artiste, maître de conférences associé à l’Université Paris 8 et professeur à l’École Supérieure d’Arts du Havre, il revient sur les difficultés qu’éprouvent la “génération post-micro” à maîtriser l’outil informatique.

En 1996, j’ai été chargé de tenir la main des visiteurs de la biennale Artifices, à Saint-Denis. Il est souvent périlleux de se passer de médiation lors des expositions d’arts numériques, mais à l’époque, les interfaces les plus banales — celles de l’informatique bureautique — réclamaient autant d’assistance que des installations expérimentales reposant sur la présence de capteurs, par exemple.

Les cours de multimédia du département arts plastiques de l'Université Paris 8 en 2001.

Les cours de multimédia du département arts plastiques de l’Université Paris 8 en 2001. Les étudiants n’étaient pas encore nombreux à être équipés de matériel informatique chez eux.

Cette édition d’Artifices mettait d’ailleurs tout particulièrement l’accent sur les codes de la micro-informatique la plus « normale » : claviers, souris, écrans, les ordinateurs n’étaient pas cachés.

On y présentait notamment des cd-roms et des sites d’artistes, à une époque où pour la plupart des gens, Internet n’existait pas et où la plupart des gens n’étaient pas persuadés d’avoir besoin d’un ordinateur chez eux un jour. Le président Chirac ignorait encore ce qu’était une souris d’ordinateur et il était loin d’être seul dans son cas.

Je me souviens notamment d’un visiteur de l’exposition qui cherchait désespérément à obtenir quelque chose à l’écran en soulevant de la table la souris qu’il tenait dans la main. Par un retournement de situation assez savoureux, je note au passage que les idées bizarres des analphabètes de l’informatique de l’époque deviennent à présent assez sensées : aujourd’hui il existe des souris qui se soulèvent, ou des machines qui interprètent les gestes de leurs opérateurs sans avoir besoin de passer par l’intermédiaire de la souris et du clavier, dispositifs qui seront sans  doute bientôt considérés comme terriblement archaïque.

C’est à la même époque qu’on a commencé à me confier des charges de cours, dans une salle où quatre macintosh plutôt moins puissants que le moindre lecteur mp3 actuel se battaient en duel. Les étudiants étaient curieux, voire avides de manipuler les ordinateurs, mais ils n’avaient généralement aucune connaissance de l’outil informatique. Cet état d’ignorance les rendait paradoxalement téméraires et inventifs dans leurs propositions. Ils ne se demandaient pas quel outil il fallait employer, comment, ce qu’il y avait à apprendre et quel temps cela prendrait, car pour eux, à peu près tout relevait de la magie, alors pourquoi limiter son imagination ?

Il n’y avait pas de magie pour moi puisque j’appartenais à la catégorie qui avait vu naître la micro-informatique : je devais avoir dix ans lorsque j’ai touché un Apple II pour la première fois, douze ans lorsque j’ai eu mon Sinclair ZX81, et quinze ans lorsque j’ai eu un Atari 520ST. Ce que je découvrais en revanche, c’était l’idée qu’il pouvait exister une création artistique véritable sur support informatique (mais tout cela est une autre histoire).

Un cours de programmation en langage Basic dans un numéro du journal Science & Vie daté de 1983. Même pour jouer, il fallait programmer (ou du moins recopier des programmes trouvés dans des livres spécialisés ou des magazines). Le code reproduit ci-dessus, baptisé “feu d’artifices”, servait à afficher de jolies couleurs à des emplacements pseudo-aléatoires. Vingt-cinq ans plus tard je n’ai pas énormément progressé finalement, c’est exactement le genre de choses que je fais faire à mes étudiants.

Année après année, j’ai vu les choses changer du tout au tout. Alors que pas un étudiant n’était équipé d’un ordinateur à son domicile, il est devenu rarissime qu’un seul ne le soit plus et les salles de cours n’ont à présent presque plus besoin d’être équipées de matériel informatique tant il y a d’étudiants qui viennent en cours avec leurs propres ordinateurs portables.

En 1996, disposer d’une connexion à Internet chez soi était inimaginable pour la plupart (et une ruine financière pour ceux qui essuyaient les plâtres). Quatre ou cinq ans plus tard, c’était devenu un fait assez banal et à présent, il n’y a plus grand monde qui n’ait pas accès à Internet d’une manière ou d’une autre. La téléphonie mobile, toujours sur la même période, est passée de ses balbutiements à sa généralisation — enfin presque car à vrai dire, tant que ça ne sera pas légalement obligatoire d’être équipé d’un mobile, les opérateurs devront se passer de ma clientèle.

Extrait du journal Univers >Interactif / mai 1995. Les enfants nés il y a quinze ou vingt ans constituent-ils une génération plus “numérique” que leurs aînés ?

Au cours d’une discussion récente entre enseignants en arts concernés par les nouveaux médias, un constat inattendu s’est dégagé : il semble qu’une nouvelle vague d’étudiants arrive en écoles d’art, des étudiants « post-micro-informatique », relativement malhabiles face aux logiciels bureautiques ou de création, auxquels ils ont pourtant eu accès au collège. Cette observation récente et empirique semble confortée par les travaux de chercheurs de la Fondation Travail et Technologie de Namur, auteurs d’une étude (1)évoquée par une interview pour le journal Le Monde (2), étude qui tend à établir qu’une partie des adolescents et des jeunes adultes manquent d’aisance avec les outils informatiques dont ils disposent pourtant et dont ils sont quotidiennement consommateurs.

J’utilise le mot « consommateurs » car ce qui est nouveau, c’est qu’ils ont une approche passive ou en tout cas non-créative, l’ordinateur devient un instrument de pure récréation. Comme le raconte Gérard Valenduc, le chercheur interviewé : « chatter et mettre en page un document ne font pas appel aux même compétences, par exemple. Au cours de l’étude, des animateurs de maisons de l’emploi nous ont expliqué que certains jeunes prenaient peur face à un formulaire électronique d’inscription, alors qu’ils passent peut-être dix heures par jour sur le Web à écouter de la musique ou à discuter avec leurs amis ».

Le cliché qui veut que les jeunes d’aujourd’hui, qui sont effectivement nés avec l’ordinateur et nés avec Internet, soient des surdoués dans son utilisation est donc erroné : leur compétence est limitée à l’utilisation qu’ils ont de ces outils et à des ordres de priorité qui peuvent sembler déroutant : très habiles pour communiquer par SMS, ils ne sont pas nécessairement à l’aise pour envoyer un e-mail, pour comprendre la provenance ou la fiabilité des informations auxquelles ils accèdent et pour estimer la portée que peuvent avoir les informations qu’ils diffusent eux-mêmes.

Un cliché répandu prétend que les enfants sont et seront de plus en plus précocement doués pour manipuler l’outil informatique. Ici, le jeune John Connor pirate sans peine un distributeur bancaire à l’aide de son ordinateur Atari Portfolio dans Terminator 2 (1991)

Une telle évolution n’est sans doute pas inattendue et suit un scénario logique puisque pour l’industrie, il est vital de confisquer aux utilisateurs/clients les moyens de production (ou la simple compréhension du fonctionnement de ces moyens de production) qui lui permettraient de se passer d’elle. Le processus, poussé à bout, va parfois jusqu’à la mise en place de réglementations corporatistes qui interdisent à un simple particulier d’être autonome vis à vis d’une technologie.

En échange de toujours plus de services et de toujours plus de facilité dans l’usage de ces services, « l’utilisateur final » se transforme en client captif, dépendant et, au fond, handicapé — ce qui n’entre curieusement pas en contradiction avec la tendance actuelle qui consiste à forcer l’utilisateur à réaliser lui-même certaines tâches précédemment prises en charge par les organisateurs du service (3), bien au contraire : lorsque les utilisateurs de blogger ou autre plate-forme commerciale de publication confient leurs données, à des sociétés comme Google plutôt que d’employer des outils libres ou d’apprendre à créer leurs propres pages html, ils participent doublement à leur propre aliénation puisqu’ils perdent la capacité à se passer du service en question tout en lui laissent leurs données en otage.

La micro-informatique des origines forçait chaque utilisateur à être un peu programmeur. La grande époque du « PC assemblé » (le début des années 1990 ?) forçait ces mêmes utilisateurs à être un peu informaticiens, à savoir changer un disque dur, etc. Les débuts de l’Internet grand public imposaient de la même manière l’acquisition de certaines compétences. Il est dans l’ordre des choses que ce ne soit plus le cas, mais cette modification du rapport à l’ordinateur n’en est pas moins préoccupante à une heure où les systèmes informatiques sont plus présents que jamais, sous des formes extrêmement diverses, et où il devient difficile ou illusoire de s’imaginer vivre en évitant leur contact.

Je me rappelle pour ma part de la fameuse réflexion de Marshall McLuhan : « nous forgeons les outils, puis ce sont nos outils qui nous forgent » (4), réflexion que j’entends aussi comme un avertissement : « si tu ne te soucies pas de tes outils, ce sont eux qui se soucieront de toi ». Les outils cessent d’être des vecteurs d’émancipation lorsqu’on n’en a aucune maîtrise.

La mode du “do-it-yourself” : créer soi-même une antenne pour la télévision numérique (gauche) ou un climatiseur (droite). Photos issues de Gizmodo most popular DIY projects for 2009. Ce qui motive cette mode du “making”, ce ne sont pas tant les économies financières réalisées que le plaisir de conserver une prise sur les technologies qui nous entourent.

Le remède semble tout trouvé : les pratiques amateur du hacking (détournement) et du do-it-yourself (faites-le vous-même) ont un véritable succès et sont alimentées par l’activisme des passionnés qui inondent le réseau d’outils de création libres, de tutoriels et de sources d’information diverses et variées. Mais est-ce que le rapport entre utilisateurs-créateurs et utilisateurs purement consommateurs voit le premier groupe croître plus rapidement que le second ? Rien n’est moins sûr.


  1. Les jeunes off-line et la fracture numérique, septembre 2009, par Périne Brotcorne, Luc Mertens et Gérard Valenduc. Comme son nom l’indique, l’étude était au départ destinée à traiter des jeunes qui n’ont jamais eu d’ordinateur ou de connexion à Internet mais une telle jeunesse n’existe que dans des proportions infinitésimales et le sujet se décale rapidement vers les jeunes mal armés pour utiliser l’outil informatique.
  2. L’autre fracture numérique, celle des 16-25 ans, Damien Leloup, Le Monde, 18 décembre 2009.
  3. exemple, les guichets dits « automatisés » — où le guichetier est remplacé par l’utilisateur. Li re à ce sujet Le travail du consommateur : De McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons par Marie-Anne Dujarier
  4. « We shape our tools and thereafter our tools shape us », Marshall McLuhan,Understanding media, 1964

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