OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les confusions d’un dissident de WikiLeaks http://owni.fr/2011/08/23/les-confusions-dun-dissident-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/08/23/les-confusions-dun-dissident-de-wikileaks/#comments Tue, 23 Aug 2011 15:48:53 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=76747 La guerre est déclarée. Après plusieurs mois d’une médiation impossible, WikiLeaks a décidé de solder le passif avec Daniel Domscheit-Berg, l’ancien porte-parole de l’organisation. En l’espace de quelques jours, les observateurs attentifs du site le plus célèbre de l’année 2010 ont compris pourquoi celui-ci avait subitement ralenti son activité et retardait l’échéance de son prochain coup d’éclat: DDB, comme on l’appelle désormais, a détruit 3 500 documents confidentiels transmis par des sources anonymes. “Pour [les] protéger”, selon lui. Joint au téléphone, l’activiste allemand revendique son acte et explique son geste pour la première fois lors d’un entretien réalisé ce mardi par OWNI :

J’ai détruit ma copie de 3500 documents transmis à WikiLeaks entre janvier et septembre 2010. De ce que j’ai vu, seuls 10 à 20% des documents étaient dignes d’intérêt. Les plus significatifs ont été extraits et publiés par WikiLeaks en 2010. Ce qu’il restait, je l’ai détruit.

Sur les raisons d’un tel comportement, Domscheit-Berg reste évasif:

Nous avons décidé de détruire ces données quand nous avons réalisé que l’ensemble des télégrammes (du Cablegate, initié en novembre 2010, ndlr) avaient été dispersés dans la nature, par ignorance et négligence. C’est la publication la plus irresponsable que je connaisse, et si c’était le seul fruit d’une erreur évitable, mes doutes auraient pu être dissipés.

Parmi les informations perdues figureraient la liste complète des personnes interdites de vol aux Etats-Unis, des dizaines de milliers d’emails du parti national-démocrate allemand, la composition de 20 groupuscules néo-nazis. Et surtout, 5 gigabits de données relatives à Bank of America, une fuite promise de longue date par Assange. Mais pour Domscheit-Berg :

Il n’y a jamais eu de documents sur la Bank of America dans ceux que j’avais. Si vous regardez de près, vous verrez que Julian avait annoncé la publication de ces informations dès le mois d’octobre 2009. Il a renouvelé sa promesse, avant de déclarer récemment qu’il ne pouvait pas l’honorer parce qu’il était soumis au chantage de la banque. Aujourd’hui, il dit que j’ai effacé les données, ça ne colle pas. Encore une fois, les documents s’étalaient sur la période de janvier à septembre 2010, pas avant.

La bataille de Finowfurt

Pour comprendre ce règlement de comptes interne à WikiLeaks, il faut remonter au 10 août dernier. Ce jour-là, à 70 kilomètres de Berlin, dans le cadre du Chaos Communication Camp, le plus grand rassemblement européen de hackers, Daniel Domscheit-Berg présente OpenLeaks, concurrent déclaré de WikiLeaks. Pour la première fois depuis la sortie de son livre très critique à l’encontre d’Assange, l’ancien porte-parole vient défendre son projet alternatif devant un parterre de camarades pas toujours acquis à sa cause.

Julian Assange et Daniel Domscheit-Berg, quand tout allait bien

Au mois de décembre dernier, Domscheit-Berg nous présentait son prétendu robinet à fuites, encore à l’état de projet huit mois plus tard. Echaudés par ces lenteurs, les participants l’interrogent sur la fiabilité de son site. DDB leur propose d’éprouver la solidité de la structure pendant les cinq jours de l’événement. Dans une interview à l’hebdomadaire allemand Der Freitag, il affirme alors ne rien avoir emporté lors de son départ de WikiLeaks. “Nous n’avons pas un trésor de guerre dans lequel nous pouvons piocher”, soutient-il. Si la première assertion est fausse, on sait désormais que la seconde est vraie, par la force des choses.

L’initiative d’OpenLeaks est très mal perçue et déclenche la colère du Chaos Computer Club, la prestigieuse organisation de hackers allemands, dont fait partie Domscheit-Berg. Dans les colonnes du Spiegel, Andy Müller-Maguhn, le porte-parole du CCC, exprime même des doutes sur l’honnêteté de son encombrant sociétaire, “flexible avec les faits”. Il révèle en outre qu’il a joué les intermédiaires entre Assange et DDB pendant 11 mois pour essayer de sauver les documents. En vain. Quelques heures plus tard, Domscheit-Berg est exclu du CCC.

Aujourd’hui, il explique que c’est l’empressement de la médiation qui aurait précipité la destruction des documents :

Nous avons décidé que les effacer était la solution la plus sûre. Je ne compromettrai pas la sécurité d’une source pour l’intérêt d’un individu ou d’un projet. La protection des sources est prioritaire, et ça ne changera jamais. WikiLeaks n’a jamais daigné traiter avec moi directement, et j’avais fait savoir à Andy à de multiples reprises que je ne souhaitais pas discuter avec lui.

“Je n’ai jamais eu accès qu’au serveur d’emails”

Alors que la rumeur enfle en même temps que les campeurs du CCCamp rentrent chez eux, WikiLeaks décide de faire publiquement pression sur son ancien collaborateur par le truchement de son compte Twitter. “DDB crache sur tous les informateurs courageux qui font fuiter des informations s’il détruit les clés et refuse de les rendre. C’est inacceptable” :

Deux jours plus tard, Julian Assange publie un communiqué pour attester de la disparition de milliers de documents envoyés à sa plateforme. Pire, il accuse DDB de discuter avec le FBI et d’être sous l’influence de sa femme, Anke, en charge des questions d’open data chez Microsoft. Sur ces points, Domscheit-Berg refuse de s’exprimer, se contentant d’affirmer qu’il s’agit de “la chose la plus stupide qu’il ait jamais entendu”.

Le néo-dissident nie également avoir claqué la porte en emportant les clés :

En septembre dernier, quand moi et d’autres avons décidé de partir, nous avons également arrêté de financer certains serveurs. A titre personnel, j’en payais quatre. L’un d’entre eux contenait des documents à transmettre. Julian n’y a pas consacré une seule minute, et nous les avons pris parce que personne n’était capable de nous dire où les stocker.

Quant à la jachère de WikiLeaks, déjà bien ankylosé par la procédure judiciaire qui pèse sur Julian Assange (son affaire de mœurs en Suède), DDB l’impute avant tout à une mauvaise gestion :

Je n’ai jamais eu accès qu’au serveur d’emails. Je n’ai jamais rien manipulé, et la seule raison pour laquelle WikiLeaks est défaillant aujourd’hui n’a rien à voir avec moi. C’est le résultat de la paranoïa et d’une incompétence technique.

Sur son blog 21st Century Samizdat, une blogueuse australienne s’interroge sur l’opportunité de l’acrobatie de Domscheit-Berg. “Détruire des documents quand vous êtes un activiste de la transparence n’est pas très bon en termes de relations publiques”, écrit-elle. OpenLeaks, qui prétend avoir appris des erreurs de son aîné, s’efforce également de soigner son image. Mais pour beaucoup de militants de cet écosystème open source, l’effet de cette initiative un peu folle n’est pas vertueux. Il est désastreux.


Retrouvez tout notre traitement éditorial sur WikiLeaks, notre page wikileaks.owni.fr ainsi que l’ebook d’Olivier Tesquet, La véritable histoire de WikiLeaks

Crédits photo: Flickr CC andygee1, re:publica 11

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[INTERVIEW] Daniel Domscheit-Berg présente OpenLeaks http://owni.fr/2010/12/13/interview-daniel-domscheit-berg-presente-openleaks/ http://owni.fr/2010/12/13/interview-daniel-domscheit-berg-presente-openleaks/#comments Mon, 13 Dec 2010 11:12:08 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=39064 Mise à jour 16 avril 2011. Lors de la conférence re:publica xi à Berlin, Daniel Domscheit-Berg (DDB) a fait le point sur l’état d’avancement d’Openleaks. Si sa vision n’a pas changé par rapport à l’interview accordée à OWNI en décembre, il apporte des détails pratiques et ne se prive pas pour critiquer à mots à peine voilés son ancien projet, Wikileaks.

« Nous ne voulons pas être sur le court-terme, un buzz qui s’éteindra au bout de 18 mois » annonce DDB dans référence transparente à Wikileaks, qui semble avoir explosé en vol après une ascension fulgurante. « Le whistleblowing, ce n’est pas le Cablegate. » Il promeut une vision où OpenLeaks pourra être utilisé dans les petites villes, sans couverture nationale. Il s’insurge aussi contre la culture d’exclusivité des médias, mais l’accepte comme un mal nécessaire. OpenLeaks permettra ainsi à un lanceur d’alerte de donner l’exclusivité à une rédaction pendant un temps donné, suite à quoi tous les partenaires du projet auront accès aux documents.

Il intègre également une démarche journalistique, productrice de sens, dès la conception du projet. Pour lui, les documents sans contexte n’apportent rien. Le traitement des documents par des experts du domaine concerné est fondamental. A cette fin, les partenaires du projet seront des médias et des ONG, représentés à part égale.

Toujours dans cette optique de transparence partagée, qui s’oppose à la vision élitiste de Wikileaks (aujourd’hui, seuls 2.7% des télégrammes diplomatiques ont été rendus publics, par exemple), DDB imagine un système à deux niveaux de privilèges : un accès read-only pour blogueurs et citoyens et un accès read-write pour les rédactions impliquées. Mais il n’a pas expliqué comment seraient sélectionnés les citoyens qui auront un tel accès.

DDB finit en abordant le financement de son projet. Aujourd’hui, seuls 600€ ont été récoltés, uniquement grâce aux dons en ligne et sans promotion. Les partenaires d’OpenLeaks devront fournir, s’ils en ont les moyens, des serveurs pour soutenir l’infrastructure du réseau, mais l’accès à la plateforme ne donnera pas lieu à des déboursements d’argent. DDB envisage, à terme, de créer une fondation soutenant les initiatives poussant à plus de transparence, incluant OpenLeaks et d’autres.

Et si OpenLeaks a plusieurs mois de retard sur le calendrier initial, avoue DDB avec humilité, c’est qu’il n’a pas su déléguer et diviser efficacement les tâches. Le système serait déjà opérationnel et les retards seraient dus à des problèmes de coordination entre les partenaires. Dès la sortie de la phase alpha, le système sera étendu à d’autres pays, dont la France.

Photo CC re:publica xi


Annoncé dans la presse, largement relayé sur le web, OpenLeaks devrait officiellement voir le jour ce lundi, à tout le moins avoir une existence officielle via un site web. Présentée comme un alter-WikiLeaks, fondé par l’Allemand Daniel Domscheit-Berg (qui, sous le nom de Daniel Schmitt, exerçait comme porte-parole de l’organisation avant d’en être congédié au mois de septembre), la nouvelle plateforme s’appuie sur la même promesse de départ: permettre à des informateurs anonymes de fournir des informations sensibles à des médias, en leur garantissant la sécurité totale d’un bout à l’autre de la chaîne. L’ancien lieutenant de Julian Assange a accepté de nous éclairer sur son nouveau projet.

Quand OpenLeaks sera-t-il opérationnel?

Un peu partout, j’ai pu lire que le site serait lancé lundi (13 décembre, NDLR), mais c’est un grand mot. Nous ouvrons officiellement la plateforme, mais celle-ci ne sert pour l’instant qu’à présenter notre projet. Nous mènerons un premier galop d’essai début 2011, avec de petites rédactions, pour tester l’outil sans pression, avant de se tourner vers de plus gros médias. Mais nous croulons déjà sous les demandes.

Combien de personnes travailleront avec vous, pour quel coût?

Pour l’instant, nous sommes une dizaine, sans que les tâches soient cloisonnées. A l’origine, je suis un technicien, et pourtant, je prends en charge beaucoup d’autres aspects, qui n’ont rien à voir avec ma formation. Nous avons donc vocation à opérer chacun d’une manière généraliste. Quant au financement, nous sommes en train de boucler les premières estimations, qui ont vocation à être rendues publiques.

Comment fonctionnera le site?

Nous voulons permettre à des syndicats, des organisations non gouvernementales ou des médias de travailler ensemble, et de permettre à ces derniers d’embarquer leur propre version d’OpenLeaks, une sorte de Privacybox aux fonctionnalités avancées. L’utilisation sera gratuite, mais nous avons différentes approches et plusieurs modèles. Si vous êtes un organe de presse important, vous pouvez choisir un système dédié, conçu pour répondre à vos besoins spécifiques, dans l’hypothèse où vous auriez besoin d’une puissance de calcul plus importante. Dans tous les cas, vous disposez de deux accès, l’un qui vous est réservé, et l’autre qui vous permet d’accéder au réseau des collaborateurs.

Julian Assange et Daniel Domscheit-Berg

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire?

Chez OWNI, par exemple, vous suivez avec assiduité l’Hadopi ou l’ACTA. De notre côté, nous disposons de documents intéressants sur ce sujet, transmis par un informateur qui estime que vous êtes les mieux placés pour enquêter. Cet informateur peut choisir de vous donner un accès privé aux documents pendant deux semaines – par exemple – au terme desquelles vous décidez ou non de publier les documents en question.

En quoi est-ce différent de WikiLeaks?

Si vous prônez la transparence, vous devez l’être également, dans votre fonctionnement. Ce n’était pas le cas de WikiLeaks. Nous sommes une fondation, enregistrée comme telle en Allemagne, pas une organisation souterraine. Cela veut dire que nous n’avons pas d’agenda politique, que nous n’avons aucune raison de nous cacher et que nous bâtissons notre outil dans l’objectif de le maintenir opérationnel. Nous devons en garder le contrôle tout en restant neutres.

Je ne veux pas évoquer mes différends avec WikiLeaks au téléphone, mais je peux dire que ces derniers mois, l’organisation ne s’ouvrait plus, elle avait perdu de vue sa promesse open source.

Par ailleurs, une autre déclinaison du modèle de WikiLeaks, Brussels Leaks, a vu le jour la semaine dernière. Comme son nom l’indique, cette mouture se concentrera sur les thématiques européennes.

WikiRebels, un excellent documentaire de la chaîne suédoise SVT sur la genèse de WikiLeaks.

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Crédits photo: Flickr CC ioerror, re:publica 10

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