#ARBcon: un pas en avant, deux pas en arrière !

Le 26 avril 2010

Compte-rendu désabusé d'une conférence berlinoise autour de la réalité augmentée, avec Robert Rice en invité d'honneur. (Disclaimer: OWNI était partenaire, mais ça n'empêche pas la franchise /-)

En arrivant à la première Augmented Reality Business Conference vendredi dernier à Berlin, j’étais tout excité à l’idée de rencontrer ceux qui essayent de créer le monde de Denno Coil (si vous ne l’avez pas encore regardé, le premier épisode est ici).

En sortant, j’avais plutôt l’impression d’avoir été à un séminaire de marchands de lecteurs de CD-i.

Le discours d’ouverture de Robert Rice, via Skype, m’a déjà mis la puce à l’oreille. En effet, il a déclaré quasiment mot pour mot des choses déjà écrites dans son article de mars dernier, traduit sur OWNI.

Même chose pour le discours de clôture du second ‘futuriste’ de la conférence, Max Cello. La vision qu’il décrivait, à grand renfort de vidéos retouchées sur After Effects, ne semblait pas sensiblement différente de celle qu’on nous sert depuis une vingtaine de mois (Morph de Nokia date de février 2008).

Quand tout le monde s’accorde à dire que les choses vont aller extrêmement vite dans les 12 prochains mois, c’est très bizarre qu’elles soient restées immobiles lors des 12 derniers.

Des marqueurs, de la 3D, c’est la fête

A l’opposée de la vision de Robert Rice, qui s’époumone à répéter que la réalité augmentée va bien au-delà des petits buzz avec webcam+3D, tout le monde semble vouloir produire des petits buzz avec webcam+3D.

La présentation d’Eric Gehl, président de Total Immersion, a mis des étoiles dans les yeux des participants. Il a montré comment une startup pouvait devenir un leader mondial à force de projets d’AR pour la pub et le marketing. La salle était émerveillée lorsqu’il a montré ce qu’ils avaient fait pour Sinik, Johnny Hallyday ou Transformers.

Le danger de ce genre d’AR : l’inutilité. Une fois que l’effet “wow, trop marrant” s’est émoussé, on s’aperçoit que le résultat aurait pu être obtenu avec une technologie classique. C’est le cas des projets présentés par aurea, telle la présentation de la nouvelle Citroën C3 en AR. On présente une image de la C3 à la webcam et la modélisation de la voiture apparait en 3D à l’écran! Génial. Sauf qu’on pourrait avoir un résultat plus utile pour le client avec une app’ en 3D classique, avec plus de possibilités de zoom, par exemple.

Total Immersion est en train de transformer l’AR en une commodité, avec des projets vendus à partir de 2000€. Et c’est très bien. Mais tout le monde à la conférence n’a pas l’air de s’en être aperçu. Michael Klein, en parlant des projets d’aurea, a été jusqu’à dire que l’effet nouveauté n’était pas prêt de disparaître, puisque de nouveaux consommateurs, plus jeunes, vont arriver. (Mais bien sûr, y’a qu’à voir l’incrédulité des gamins de 2 ans devant un portable ou une télé! Ne sont-ils pas aussi surpris que ne l’étaient leurs grands-parents?)

AR et architecture

On présente le carton à la webcam et une forme 3D s'affiche à l'écran. Etonnant, non?

Le capital surfe sur le buzz

Tout le monde veut produire le prochain buzz en AR. Et tous les venture capitalistes veulent les financer.

La palme revient quand même à David Blumberg, un capital-risqueur qui a consacré toute sa présentation à expliquer que l’AR était vouée à la pub, au B2C et au marketing et qu’il était très important de chercher à plaire aux grandes marques. “Je finance des modèles d’affaire, pas des projets scientifiques”. Insistant sur la capacité à générer de l’argent, on l’imagine mal trouver le prochain Facebook ou Twitter.

Son manque de vision est apparu clairement lorsque, 10 minutes plus tard, après la présentation d’Alex Olwal sur l’application de l’AR à la médecine, il a repris le micro pour dire à la salle: “Ah oui, quand même, on peut faire quelque chose avec le B2B, ne vous focalisez pas sur le marketing!”.

Tous les capital-risqueurs de la conférence ne partageaient pas ce point de vue. Mais si le capital est alloué par des gens comme Blumberg, l’AR ne risque pas de décoller de si tôt.

Les participants n’ayant qu’un lien lâche avec l’industrie de l’AR avec lesquels j’ai discuté partageaient ce sentiment de buzz omniprésent.

La magie de Robert Rice n’opère pas.

La réalité mixée, plus prometteuse

Même chose pour les applications commerciales de l’AR. Le CTO d’HRS, un service de réservation d’hôtels, explique que leur nouveau service de réservation en AR est un gros succès (mais il se garde bien de donner des chiffres).

Les applications les plus prometteuses restent les services liés à la localisation (LBS pour location-based services). Gbanga et aka-aki ont montré comment réinventer le jeu vidéo en transformant la ville, via le GPS du téléphone, en un grand plateau multi-joueurs.

Famiglia, de Gbanga, propose depuis le 12 avril aux Zurichois de devenir le parrain local en allant chercher des objets virtuels aux quatre coins de la ville. Le business model est tout trouvé : il suffit de mettre les objets en question dans des magasins et de se faire payer pour tous ces prospects apportés par le jeu.

Définis eux-mêmes comme des services de réalité mixée, difficile de déterminer s’ils participent effectivement de l’AR. De tels LBS existent sont sans doutes nécessaires mais pas suffisants pour des applications riches en réalité augmentée.

L’AR souffre de ses plateformes

Parallèlement à un manque criant de vision, l’AR souffre également de la technique. Les applications utilisant des calques 3D rajoutés à un flux vidéo nécessitent du matériel à base d’accélérateurs 3D et de systèmes d’exploitation rodés au poil.

Les développeurs présents expliquaient leur dilemme: L’iPhone est le seul appareil assez fiable pour supporter des applications d’AR. Manque de bol, le penchant parano de Steve Jobs, qui garde un pouvoir discrétionnaire sur les app’, commence à taper sur les nerfs des entrepreneurs. Deux intervenants se sont explicitement plaints de la politique d’Apple, l’un d’entre eux allant jusqu’à dire que “dès que quelque chose est cool, Apple l’interdit” (ils ont aussi demandé que leurs noms ne soient pas publiés pour ne pas se faire blacklister).

La startup ukraino-allemande Dream-Corp a ainsi décidé de ne développer que sur Android, zappant complètement les iPhone.

Mais Android ou Symbian opèrent sur une multitude d’appareils, ce qui dégrade sérieusement la performance et oblige à tester les applications sur 5 ou 6 téléphones avant de pouvoir la commercialiser. Si bien que beaucoup restent quand même sur l’iPhone.

Un ingénieur de Nokia expliquait que le nouvel OS de la firme, Maemo, basé sur Linux, allait permettre de développer plein de trucs trop biens super facilement. A condition que les développeurs ne visent que les possesseurs de N900, puisque les autres appareils Nokia restent sur Symbian! Selon lui, il faudrait ‘au moins 2 ans’ avant que le seuil des 300 millions d’appareils capables de faire tourner des applications d’AR soit franchit.

N900: Le sauveur de l'AR?

N900: Le sauveur de l'AR? Ou pas... (cc fellowcreative)

Côté techno, kooaba a quand même présenté un logiciel de reconnaissance d’objet assez bluffant. Il permet, en montrant un livre ou un monument à la caméra, de retrouver l’objet ou le lieu dans sa base de données et de présenter des infos pertinentes. Le tout sans GPS. Nul doute que cette techno va engendrer de nouveaux usages. En attendant, le résultat est le même que celui obtenu avec des QR codes depuis 5 ans.

> Ilustrations par fellowcreatives et przemion 

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