En France, Le débat sur les cellules souches embryonnaires reste au point mort

Le 25 novembre 2010

Nous entendons peu parler des cellules souches en France. Absence de débat scientifique ou manque d'intérêt public et politique pour la question ? Éclairage sur un problème de bioéthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’Å“uf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

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