Du cyberespace sécurisé à une “frontière virtuelle Schengen”

Le 29 avril 2011

La présidence d'un groupe de travail policier européen propose la mise en oeuvre d'une "frontière virtuelle Schengen" et de "points d'entrée virtuels" au moyen desquels les FAI pourraient filtrer l'internet.

MaJ du 26/05/2011 : EDRI, une ONG de défense des libertés sur l’internet, s’est procuré une présentation plus complète du dispositif. Objectif, comme le rapporte l’article de Vincent Truffy (abonnés) sur Mediapart :

passer dans les pays de l’Union d’un accès à un Internet ouvert – et éventuellement dangereux – à un intranet sécurisé qui, faute d’empêcher les «contenus illégaux», les rendrait invisibles au plus grand nombre en empêchant les internautes de se connecter aux sites inscrits sur une liste noire.

Les citoyens européens seraient-ils plus en sécurité s’ils naviguaient, non pas sur l’internet, mais sur un intranet sécurisé ? Si, à la manière de l’internet chinois, les fournisseurs d’accès étaient non seulement charger de filtrer l’internet, mais également de surveiller les “points d’entrée virtuels” sur l’internet européen, à la manière d’un cyberespace Schengen ?

La proposition [.pdf], très sérieuse, a été faite mi-février par la présidence du LEWP (Law Enforcement Working Party), un groupe de travail au sein du Conseil Justice et affaires intérieures de l’Union européenne. Dirigé par le pays qui occupe la présidence du Conseil de l’UE (en l’espèce, la Hongrie), le LEWP est considéré comme “un maillon important dans la législation européenne” dont l’importance “est peu susceptible d’être surestimée“.

Cybercrime

La présidence du LEWP a présenté son intention de proposer des mesures concrètes visant la création d’un cyberespace sécurisé européen doté d’une sorte de “frontière virtuelle Schengen” et de “points d’entrée virtuels” au moyen desquels les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pourraient bloquer les contenus illicites basés sur une “liste noire” européenne. Les délégations ont également été informées qu’une conférence sur le cyber-crime se tiendrait à Budapest les 12 et 13 avril 2011.

L’information, repérée par l’ONG Statewatch, vient d’être relayée par le journaliste Glyn Moody qui, passé l’étonnement de voir qu’il se trouve encore des gens, en 2011, pour employer le terme de “cyberespace“, résume le projet en évoquant une improbable et impossible “imposition de la censure à l’échelle européenne” :

Ils n’ont qu’à regarder la porosité de la Grande Muraille (virtuelle) de Chine, qui a pourtant été créée et perfectionnée par des experts possédant d’énormes ressources.
Le fait que les «listes noires» (a) ne fonctionnent pas et (b) sont toujours imparfaites semble ne pas avoir été mesuré par ces corniauds de Bruxelles.
Quand bien même elles fonctionneraient, il est scandaleux que l’Union européenne puisse envisager leur utilisation sans le moindre accès de conscience.

L’affaire fait également les choux gras des médias germaniques. Interrogé par DiePresse, Andreas Wildberger, secrétaire général de l’association des FAI autrichiens, qualifie la proposition de “tout à fait absurde” et de techniquement impossible à mettre en Å“uvre.

Sur Heise, Jimmy Shulz, député FDP responsable de la commission parlementaire allemande sur l’internet et la société numérique, qualifie lui aussi la proposition de “non-sens complet” et de “non-sens technique“, tout en brocardant ces “bureaucrates de Bruxelles” qui veulent ainsi s’inspirer de la censure en Å“uvre en Chine pour faire de l’internet un espace aussi “propre que Disneyland“…

Il est impressionnant de voir le nombre d’organisations qui poussent à la mise en Å“uvre d’une solution Internet à la chinoise“, s’étonne de son côté un représentant de Censorship AK, une organisation lutte contre la censure sur l’internet. Sur son blog, l’ONG imagine ainsi ce que serait un Internet où tout ce qui ne serait pas autorisé serait bloqué, tel que le mot “enfant” dans une URL, marque déposée par la société Ferrero…


Photo via FlickR CC by-nc-sa loehrwald

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