Les mystères de Tunis

Le 19 mai 2011

Après les déclarations sur l’existence d’un cabinet noir pro Ben Ali, après le couvre-feu, les plus démocrates réagissent. Une nouvelle union en faveur de la vérité est née qu'un nouveau site, ownimaghreb.com, accompagnera.

Les trois semaines écoulées auraient pu décourager les partisans de la révolution initialement les plus enthousiastes. Le 5 mai, Farhat Rajhi, l’ancien ministre de l’Intérieur de l’après révolution (en poste du 14 janvier au 30 mars) provoquait un large scandale en expliquant – non sans argument – que le pays était encore sous le contrôle d’un réseau d’influence pro-Ben Ali. Pour lui, les militaires et une partie de l’administration prépareraient un coup d’état en cas de succès des islamistes aux prochaines élections. Et évoque:

l’existence d’une sphère d’influence dirigée par des Sahéliens qui œuvrent pour garder le pouvoir

À en croire les proches de ce magistrat de carrière, les services de la police politique (où jadis a été formé Ben Ali, dans sa première vie de policier) fonctionneraient encore et poursuivraient dans ce contexte des objectifs mal définis. Peut-être à la faveur des réseaux d’influences que conserveraient ex-alliés et ex-banquiers de la dictature.

Des professionnels du droit prennent cette hypothèse au sérieux. Tel Bessen Ben Salem, avocat près de la Cour de cassation, à Tunis, qui dans un billet publié sur le site Naawat observe:

Un examen des textes publiés au JORT depuis le 7 mars 2011, conduit à conclure qu’aucun texte législatif ou même règlementaire n’est intervenu pour modifier l’organisation du ministère de l’intérieur.

Après les manifestations, parfois violentes, provoquées par les déclarations de l’ex ministre, l’armée instaurait un couvre-feu à 21h dans tout le centre de Tunis. Et l’état-major militaire exigeait quelques jours plus tard que l’on engage des poursuites contre Farhat Rajhi. La grève des éboueurs, laissant grimper des monticules d’ordures dans les principales artères de la capitale, achevait de composer la scène des lendemains qui déchantent. Mais pas partout. Pas pour tous.

Même au fil de ces journées, Tunis demeurait un laboratoire d’une démocratie au carré. Démocratie augmentée selon le lexique d’OWNI. Lundi dernier, 16 mai, dans les salons de l’hôtel Golden Tulip plusieurs organisations politiques et professionnelles se retrouvaient ainsi à l’initiative du Comité national de lutte contre l’injustice et la corruption. Pour en finir avec les non-dits de l’après-dictature, pour déterminer la part de vérité non négociable, celle à conquérir coûte que coûte. Voir le communiqué diffusé avant leurs discussions.

Créé par 25 avocats au lendemain de la révolution, le comité coordonne l’essentiel des plaintes en cours d’enregistrement contre des dirigeants ou des hommes d’affaires proches de Ben Ali. Lors de cette réunion, ses responsables ont annoncé leur partenariat avec, notamment, deux mouvements impliqués dans la révolution de janvier; l’Union générale des étudiants tunisiens (UGET) et l’Association nationale des jeunes journalistes tunisiens.  Cette dernière, en coopération avec OWNI, développera le magazine en line Ownimaghreb.com, dédié au suivi des acquis de la révolution dans la région.

Photos FlickR CC Wassim Ben Rhouma ; Gwenael Piaser.

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